mardi, novembre 13, 2007

Vivent les alternatives!

C'est un peu aride, mais qu'est-ce que c'est intéressant! Dès qu'il s'agit d'y voir clair dans des sujets économico-politiques, Alternatives Economiques est d'une aide précieuse. Ainsi, en une page et demie sereine et argumentée, ils nous expliquent les tenants et aboutissants des régimes spéciaux.
Ils concernent 6% des retraités. Leur origine remonte à 1945: lorsque le régime général a été mis en place, leur régime de retraite a gardé sa spécificité (car il était bien plus confortable!) Ils ont deux avantages principaux:
  • ils doivent cotiser 37,5 années (contre 40 ans pour les autres... pour l'instant!)
  • leur retraite se monte à 75% de leur dernier salaire, ce qui est bien supérieur au régime général.
En outre, certains postes pénibles ont droit à des cotisations plus courtes, ce qui permet aux agents de conduite RATP ou SNCF de partir à 50 ans, et à certains services EDF ou RATP de partir à 55 ans.
A part ce dernier point, qui est moins sévérement attaqué par le gouvernement que les deux autres d'ailleurs, on pourrait se dire qu'il n'est effectivement pas défendable que ces salariés là aient des retraites plus avantageuses que les autres. D'autant plus que les régimes spéciaux sont en grand déficit.
Sauf que:
  • Précision conjoncturelle n°1: Ce déficit tient bien plus à la démographie vieillissante des "privilégiés" qu'à leurs priviléges. Les caisses de retraite des artisans et commerçants sont dans le rouge pour la même raison.
  • Argument utopiste: pourquoi toujours tout aligner par le bas?
  • Argument économique n°1: les salariés en question financent pour une très grosse partie leurs retraites par un taux de cotisation vieillesse supérieur (37,2% chez EDF et GDF, 36.3% à la SNCF et 30% à la RATP, contre 26% ailleurs). Si on leur ôtait leur retraite améliorée, il faudrait trouver de bien jolies compensations aux travailleurs ayant perdu 10% de salaire toute leur vie... (Sans compter le fait qu'implicitement, ils ont choisi des boulots dont les salaires sont assez faibles, pour une protection sociale plus forte)
  • Argument économique n°2: on est loin d'avoir une minorité de salariés privilégiés partant à 55 ans contre une majorité d'exploités partant à 63 ans. La SNCF, la RATP et EDF licenciant peu et n'ayant pas recours aux préretraites (ni aux dispenses de recherche d'emploi), leurs salariés finissent leur activité, comme précu, à 55,5 ans. Et ceux du régime général, en pratique, partent à 57,5 ans. Il y a donc seulement deux années de différence sur le départ à la retraite, et non pas 7 comme on voudrait nous le laisser croire.
Tout cela pris en compte, Alternatives Economiques évolue l'économie apportée par un alignement sur le régime général à... 200 millions par an l'année prochaine. Et 1 milliard à terme, dans 5 ans.
Quand on rapproche ce chiffre des 15 milliards du bouclier fiscal, on comprend à quel point on a affaire à une lutte idéologique, et pas du tout pragmatique comme on nous le fait croire. Sarko veut montrer qu'il a des couilles en se faisant les cheminots...

12 commentaires:

Anonyme a dit…

Mouais... Pas convaincu, faudrait que je lise cet article pour me faire une mailleure opinion.
Plusieurs points :
- les chiffres que tu donnes, à correspondent-ils ? Part du salaire brut ? Charge patronale ? Salariale ? Ce n'est pas clair, car tu peux consulter ta fiche de paie ou ton intranet DRH, ton taux à toi c'est 14.95% (6.65% pour le salarié, 8.30% pour l'employeur). Et je doute que les salariés des régimes spéciaux aient une telle différence entre salaire brut et salaire net (avec la sécu, tu arrive vite a 50%). Donc ton argument "10% de salaire dans toute une vie" me semble très douteux...
- Bien sûr la part "idéologique" de la réforme est essentielle. D'une certaine façon, c'est d'égalité qu'il s'agit. Même si les salariés des régimes spéciaux sont peut-être moins payés (va dire ça à un commerçant lambda), ils disposent de fait d'un avantage social par rapport aux autres. Accepterais-tu d'avoir un taux de remboursement sécu inférieur à d'autres ? Peut-être... Mais ce serait un autre système.
- Quant à ton dernier argument, dans la mesure où les salariés du régime général partant à 57.5 ans ne bénéficient pas du taux plein (sauf erreur), je ne vois pas ce que tu peux en déduire... Et il est très probable que cette moyenne, valable aujourd'hui, ne soit pour nous qu'un conte de fée...

ZeVinci a dit…

- Les chiffres que je rapporte sont "les taux de cotisation vieillesse, salariales et patronales, en pourcentage du salaire brut". AE dit que c'est 26% dans le privé sans nuance ni discussion. Je leur fais assez confiance, mais je ne sais à quelle(s) ligne(s) de nos illisibles fiches de paie (et des charges patronales) elles correspondent.
- Quand à la part idéologique, c'est certain. Mais, consciemment ou non, en faisant intervenir le pauvre petit commerçant, tu raisonnes dans la direction d'un nivellement par le bas.
- Au niveau de l'âge du départ à la retraite, tu peux déjà en déduire que la différence entre "privilégiés" et les "autres" n'est que de deux ans. Ce qui modère fortement l'un des deux reproches fait aux "privilégiés": "vous partez dix ans avant nous à la retraite". Ca n'enlève par contre rien au deuxième "vous êtes très bien payés en retraite".
- Ensuite, un autre article du dossier consacré aux retraites nous apprend que l'âge de départ à la retraite effectif n'a pratiquement pas changé avec l'alongement de la durée des cotisations. Les boîtes continuent à foutre dehors les gens au même âge qu'avant, en préretraite ou au chomage en recherche d'emploi (de sorte qu'AE voit cet alongement plus comme une diminution déguisée des pensions). Alors finalement on sera peut-être à la retraite au même âge que nos parents (ouais!), mais avec une pension minable (ah...).

- Et plus fondamentalement, moi sur ce dossier je n'ai pas d'idée précise (ça devrait te plaire, adepte du scepticisme!). Ce qui est sûr c'est que les travaux pénibles doivent permettre des départs plus tôt. Mais après, faire la balance entre les deux arguments majeurs "égalité devant la retraite" et "on paye par ailleurs le prix de nos avantages" (auxquels on pourrait ajouter le "nivellement par le bas"), je ne sais pas...

Je dis juste, Alternatives Economiques sous le bras, que ce n'est pas un dossier crucial et complétement caricatural comme on pourrait le croire.

ZeVinci a dit…

Et, amis provinciaux, vous seriez bien gentils de faire preuve d'un peu de grandeur d'âme parce que demain, je vais prendre bien cher, et pas vous!

Anonyme a dit…

Pas la peine de lire AE pour savoir que l'âge de la retraite est resté le même malgré les réformes. Même un tract de SUD au boulot le disait hier. Cassé hein? Pis, tes parents ne sachant pas eux-mêmes quand ils seront en retraite, tu peux donc pas savoir encore si tu partiras avant ou après ! Et pis faire fonctionner ses neurones ou ses biceps, c'est pas égal pour tout le monde! Regarde Sarko, ça se voit qu'il trouve ça pénible de réfléchir un peu. Il préfère changer quotidiennement de fuseau horaire . . . une sorte de 3/8 en fait, comme les ouvriers à la chaîne. Mais si tu confirmes que le travail physique mérite une retraite anticipée pour ceux qui le pratiquent, j'veux bien qd même pour que le nain en bénéficie et foute le camp vite fait !

Anonyme a dit…

Je te renvoie ici (p11) pour les taux effectifs... (ils ont très légèrement changé depuis, +0.2% je crois)
Par ailleurs, sans préjuger de la qualité des articles d'AE (que je ne connais pas), j'aurais tendance à prendre avec un brin de distance les dossiers ou articles publiés par un journal ouvertement à gauche sur une réforme menée par un gouvernement de droite...

ZeVinci a dit…

AE est ouvertement dans gauche dans le sens où ils ne se cachent pas de leurs opinions. Mais le ton est infiniment plus serein et argumenté que d'autres journaux (Politis ou Charlie... par ailleurs très estimables), ce qui me permet de briller en société sans me faire taxer de trotzkyste immédiatement. D'ailleurs leurs articles sont majoritairement centrés sur des arguments économiques; les positions morales étant évoquées très rarement.

C'est sage d'être prudent quand même, à condition que ça ne résulte pas en une position radicalement sceptique: "mouais... Ils sont de gauche donc ils doivent m'embrouiller là dessus."

Anonyme a dit…

Imaginons un monde sans régimes spéciaux.
Sera-t-il plus juste, plus "égal"? Cette "inégalité" est-elle à traiter en priorité? Au bénéfice de qui se fera cette "harmonisation"?
Allez, j'arrête mes questions matutinales.

Anonyme a dit…

C'est un débat que je me verrais bien poursuivre avec une petite poire, au coin du feu...

ZeVinci a dit…

Ou avec un rhum arrangé au bord du canal du Mozambique?

Anonyme a dit…

Moi, j'essaierai bien d'en rediscuter avec une p'tite grappa d'Ubaldo. Voire un p'tit lemoncello au pied du Vésuve (quoique ce soit un peu léger).

Anonyme a dit…

Si je puis me permettre, je vous conseille le post de Judith Bernard sur le BBB. Il fait avancer le débat... sans picoler!

ZeVinci a dit…

Je le note. Et puisqu'on en est à recommander de saines lectures, je vous conseille ce post de Birenbaum. Le style est un brin grandiloquant, mais le propos est très pertinent.