dimanche, juin 29, 2008

Ode au drapeau

"Le problème en France...". "Le retard français...". "C'est typiquement français...". "Vous savez en France..."
Avec la parcimonie et la légèreté qu'on connait aux médias, politiques et experts, on entend encore et encore cette litanie à tout bout de champ. Il est visiblement de bon ton de cracher sur ce modèle de société, encore et encore, avec ce petit air de papa-nâvré-mais-un-peu-compatissant devant un gamin attachant, mais terriblement casse-couille.
"-Je suis Français et très attaché à mon pays, mais là voyez vous ma pauv' dame quand même il y a des archaismes nâvrants, gnagnagna gnagnagna, donc le libéralisme c'est super. - Ah bon, ben vu votre jolie cravate vous devez savoir de quoi vous parlez, alors d'accord."

Bon, vous me connaissez, je ne vais pas monter au créneau pour défendre notre fier Drapeau et notre belle Histoire. Remarquez d'ailleurs que les plus fervents pourfendeurs de notre pays attardé, Sarkozy en tête, sont aussi les premiers à chanter la grandeur de notre Histoire, les sacrifices de nos Grands Hommes, et la Place Particulière de Notre Pays dans la Destinée de l'Humanité. Tout ça tout ça.
Mais ne nous y trompons pas: ce n'est pas la France-pays-drapeau-histoire qui est attaquée en rotation lourde dans les médias. C'est à la France-société (un peu) solidaire à laquelle tous ces vibrionnants experts encravatés s'en prennent. Le sous-titre est clair: il est établi qu'il faut abandonner notre système pour aller vers le modèle anglo-saxon (ou, si on veut être poli et avancer masqué, le modèle suédois - en oubliant sa dimension sociale dans un deuxième temps, évidemment).

Cette mode n'est vraiment pas nouvelle, mais je m'effraie de la voir si bien prendre autour de moi. C'est assez vicieux: jouant sur le contresens "défense de la France = nationalisme", ainsi que sur une propension assez naturelle (et saine) à l'autocritique, on a vite fait de se laisser emporter par ces arguments. D'autant que les plis soucieux sur le front des commentateurs paternalistes sont extrêmement convaincants.
Du coup, le gimmick est passé dans le langage commun, à tel point qu'on ne se rend plus bien compte qu'on abonde sans cesse dans le sens des libéraux et qu'on milite à son insu pour l'abrogation de notre société (un peu) partageuse - alors qu'une majorité de Français a l'opinion inverse. Au café, en famille, à la cantine: "Tu sais, c'est typiquement français..."

Ces mesquineries lexicales n'ont l'air de rien, mais elles ont à mon avis une importance cruciale. Un électeur qui a intégré au plus profond de son petit cervelet que "modernité = libéralisme", "archaisme = social = France vieillissante" et "réforme = bien (quelle qu'elle soit)", ne sera pas alarmé quand Sarkozy annoncera ses projets de démantellement à la prochaine présidentielle. Et alors, faute de critère fort, il votera à nouveau pour la candidat qui a la plus belle cravate, la plus "grande dimension internationale" (c'te rigolade), ou qui n'aura pas cet air d'institutrice si énervant.

samedi, juin 28, 2008

Didier Super

Je vous conseille de jeter une oreille sur "comme un anfant au Brésil" sur le myspace de Didier Super. Les non-connaisseurs peuvent se faire une idée de l'humour (noir) du bonhomme sur cette vidéo, capturée à l'Olympia:

Ou encore:

jeudi, juin 26, 2008

Je suis de retour

Chers lecteurs,
vous n'aurez pas été sans noter que le blog vit sur un rythme moins enlevé qu'il y a quelques mois. Deux mois et 12 jours pour être précis.
En père consciencieux et aimant, j'ai fait passer le bien-être de mon fiston avant les attentes des milliers de fidèles lecteurs de ma prose.

Et bien c'est fini.

Je repars de plus belle dans des posts quotidiens, car désormais Gael passera au second plan. Et voici pourquoi:


Non mais!
Je m'en vais lui apprendre à respecter son père, et à obéir à la figure d'autorité que je suis, nom de d'la.

PS: Dans cette version moins jolie mais sans décalage de son, vous aurez aussi droit au mot d'amour final, qui scelle le divorse.

lundi, juin 23, 2008

Manu Chao (ouais!) à Bercy (oh...)

Après sept années loin de la capitale, Manu Chao y est repassé le temps de deux concerts à Bercy. Nous y étions bien sûr, tant le dernier concert parisien, lors de la fête de l'humanité 2001, nous avait conquis. On ne l'imagine pas nécessairement à écouter ses CDs bidouillo-accoustiques, mais Manu Chao est une absolue bête de scène. (On l'imagine beaucoup plus quand on connait la Mano Negra, il est vrai).
Mais attention, je ne parle pas de bête simplement charismatique, le genre à te refourguer une photocopie de son album en bondissant sur scène (ce qui peut ne pas être pas mal, d'ailleurs). Non, Manu Chao est avant tout un type qui s'entoure de musiciens exceptionnels, avec qui il revisite complètement ses très nombreux tubes. Il est avant tout là pour jouer la musique qui lui plait et qu'il réinvente entre l'album et la scène, le tout avec une pêche et un professionnalisme hallucinants.
A Bercy comme à la fête de l'huma, nous avons donc eu droit à de la musique ensoleillée, parfaitement en place et revisitée en virtuose. Que demande le peuple?

Si il pouvait se permettre, si il pouvait rêver au concert parfait, le peuple il demanderait une autre salle de Bercy. L'acoustique y était vraiment épouvantable, et même si la musique de Manu Chao peut y survivre un petit peu (un peu de saturation "sortie du transistor" fait même à son charme), on adorerait avoir des conditions d'écoute correctes.
Certes, il est illusoire de demander à Manu Chao de faire l'Olympia, sauf à mécontenter des dizaine de milliers de fans. D'autant plus que le bonhomme s'est visiblement donné du mal pour que les places soient bien moins chères que d'habitude dans cette salle (30 euros contre 50 pour les concerts pas trop chers, et plus de 100 pour les grands noms). Mais mon dieu que ça aurait été mieux en extérieur, sans réverbérations dégueulasses!

Ca coûté bonbon...

Mais ça les vaut!
Tremblez Real de Madrid et autres Milan AC! Alors qu'on nous amuse avec les transferts de Christiano Ronaldo et autres Samir Nasri, sachez que le FC Nantes a signé Yohan Moullec.
Ah on va en vendre des maillots les gars!

Saleté d'été

Comme l'année dernière, j'ai couru un marathon en relais avec mes collègues. Nous avons décidé cette fois-ci de nous y rendre non entrainés, pour rigoler. Et bien je vous rassure, c'est désormais prouvé: l'entrainement a un impact très positif sur la performance et la prestance des coureurs. En témoigne notre temps général (3h57 contre 3h25), mon temps personnel (1h23 contre 1h02 pour 12 km), et cette jolie photo de notre arrivée.
(Il faut dire que le soleil violent ne nous a pas aidé)

dimanche, juin 15, 2008

Un blog bien marrant

Il s'appelle Vidberg, et il croque l'actu en patates.

samedi, juin 14, 2008

De fortunae


Il est frappant de voir à quel point nous sommes incapables d'intégrer la notion de hasard, et ses corolaires de chance/malchance, lorsque nous interprétons des événements qui nous paraissent importants. Certes, on s'incline quand il s'agit de petites choses secondaires: il pleut aujourd'hui/ j'ai raté mon métro à deux secondes près/j'ai croisé mon voisin à l'autre bout de la ville, c'est étonnant, mais je veux bien croire que ce soit complètement aléatoire.
Mais alors, quand il s'agit d'événements d'une toute autre dimension, non, ça ne peut pas être en partie dû au pot. Par exemple (et c'est un exemple purement hypothétique, qui n'a rien à voir avec ma vie personnelle, bande de petits salopiots - le "je" qui suit n'est qu'une figure rhétorique, qu'on soit bien d'accord là dessus), si j'ai été embauché dans le poste de mes rêves, c'est que je le mérite: c'est purement mécanique. Le hasard n'a rien à voir avec la chose. Ca ne peut pas être (aussi) parce que le poste venait de se libérer et qu'il fallait le pourvoir rapidement; parce que les autres candidats étaient particulièrement mauvais; ou parce que les employeurs n'arrivaient pas à choisir et ont donc utilisé un critère complètement secondaire pour trancher. Je ne dis pas que mon profil n'a rien à voir avec mon embauche - il a même certainement joué un rôle prépondérant - je dis juste qu'il n'est pas le seul facteur à jouer. J'aurais fort bien pu me présenter avec le même profil, et me retrouver à pointer à l'ANPE si j'avais eu le malheur d'être mis en compétition avec un futur prix Nobel, par exemple.
Vous voyez bien que cet exemple n'a rien à voir avec ma vie personnelle. Vous savez tous fort bien que je suis infiniment supérieur à un prix Nobel. Mais puisque je vois que vous avez l'air d'y tenir, je vous donne une illustration portant sur ma vie personnelle: sans que ni Elena ni moi n'y soyons pour quoi que ce soit, Gael aurait fort bien pu être un bébé hideux et méchant, qui serait devenu un financier antipathique de droite à l'haleine chargée. Or, c'est un nourrisson adorable qui sera un artiste reconnu dont la respiration sentira la cannelle.

Il est d'ailleurs bien naturel de sous-évaluer la part que le hasard joue dans nos vies: il serait probablement vertigineux de réaliser qu'on est passé à deux doigts d'épouser un horrible bonhomme, ou qu'il s'en est fallu d'un rien pour qu'on ne devienne une star du rock.
Pourquoi ces profondes considérations philosophiques? Et bien, cher lecteur, non pas pour une mais pour deux raisons. Et oui.

Raison numéro 1, parce que la magnification absolue de ce penchant naturel par les théoriciens d'un libéralisme débridé m'énerve au plus haut point. Pour eux, les top-managers atteignent des sommets de responsabilité (et de rémunération) en vertu de leurs seules qualités. Rien à voir avec des considérations extérieures favorables, telle qu'une naissance dans un milieu doré ou les relations de papa. Dans le même ordre d'idée, un type qui prévoit avec justesse la montée ou la chute d'une action est forcément un visionnaire super malin qui mérite bien de gagner autant que 10000 secrétaires.
Et à l'autre bout de l'échelle, les loosers, à commencer par les chomeurs, doivent plus ou moins s'en prendre à eux mêmes. Je dis pas que c'est facile, mais si ils se secouaient un peu, ils s'en sortiraient forcément. Puisque tu n'as que ce que tu mérites.

Mais c'est surtout la raison numéro 2 qui motive ce post. Venons-en donc à l'essentiel.
S'il est bien un milieu où tout est parfaitement mécanique, logique et prédictible, c'est bien entendu le foot. A en croire les multiples 'nalyses a priori ou a posteriori qui fleurissent dans les médias du moins. Si tu as, disons, perdu 4-1, et ben c'est nécessairement que tu le méritais complétement, absolument, exactement. C'était écris dans la façon dont tu as joué, forcément puisque d'ailleurs tu as perdu 4-1. Pile. Juste comme je pensais.
Alors ces choeurs unanimes qui produisent des centaines de lignes d'analyse argumentée pour t'expliquer a posteriori que tu mérites nécessairement ce qui t'arrive me gonflent. D'abord parce que si il n'y a absolument rien à dire qui dépasse le score final, la mesure de toute chose, et bien on économiserait pas mal de papier en s'épargnant ces stériles analyses.
Et ensuite parce que c'est faux. Le hasard joue un rôle absolument prépondérant dans ce sport. Puisque nous avons en tête le 4-1 d'hier soir, je ne dis pas ici que la France ne méritait pas de perdre. Je ne dis pas non plus que même si il m'avait semblé qu'elle avait mérité de gagner, on aurait dû annuler le résultat final et nous attribuer les points. Non: les règles donnent les points au vainqueur (objectif), et en plus dans ce cas d'espèce les Pays-Bas les méritent.
Je dis simplement que le match tel qu'il a été joué aurait facilement tourner tout autrement. Que ce qu'à fait l'équipe de France, comme ce qu'avait fait l'équipe d'Italie en début de semaine d'ailleurs, n'est pas du tout honteux et que les gros pépères qui t'expliquent que tout cela est bien normal, qu'ils avaient toujours dit que cette année c'était pas comme avant, enfoncent des portes ouvertes avec une mauvaise foi qui m'agace prodigieusement tant elle est répandue.
Voila. Moi j'ai envie de faire un gros bisou à Domenech parce que c'était sympa ce que son équipe a proposé hier soir (alors que je lui en aurais bien collé une après le chiantissime match contre la Roumanie), et allez un autre bécot à Donadoni parce que son équipe d'Italie a un jeu ouvert qui n'est pas du tout payé. Ces deux belles équipes vont probablement être éliminées, c'est tout à fait normal, mais je trouve dommage qu'elles doivent sortir sous les crachats et les regards méprisants tant, fondamentalement, ce qui a changé depuis la finale en 2006 est seulement la façon dont les dés sont tombés.
Et paf. C'était ma 'nalyse à moi.

PS: Pour une 'nalyse juste, il faut évidemment aller .

Deux petits liens en passant

  • Une intéressante émission d'Arrêt sur Images, cette fois-ci accessible sans abonnement, consacrée à la défiance des médias traditionnels et des politiques vis à vis d'internet. Voila une bonne occasion pour les non-abonnés de voir ce qu'ils ratent.
  • Denis Robert, le journaliste qui avait découvert Clearstream (et dont je vous avais parlé précédemment) jette l'éponge. La banque-blanchisseuse Clearstream l'a submergé d'assignations devant la justice pour l'épuiser et faire un exemple. Ils ont obtenu gain de cause au Luxembourg sur un de ces procès, ruinant virtuellement Denis Robert. On peut le soutenir .

jeudi, juin 12, 2008

La quatrième dimension

Les journalistes sont friands de date-limite, de compte à rebours. La tension monte, et l'audience avec elle. Ils se régalent quand un match-clé se rapproche, quand un palmarès va être annoncé, ou quand une personnalité va annoncer sa candidature pour tel ou tel poste. Mais l'apothéose, l'événement prévisible et attendu par excellence, ce sont les élections. On l'a vu dernièrement avec la longue litanie des différentes primaires américaines.
Le compte-à-rebours du jour, c'est le référendum en Irlande. Vous n'avez pas pu y échapper. La problématique est simple: les Irlandais, seul indéfectible peuple à avoir le droit de s'exprimer sur la constit... pardon le traité européen risquent de dire "non".
Quel suspense. L'auditeur en frissonne: quel coup de théâtre ce serait! L'événement est du pain béni pour le journaliste, qui se plait à en éclairer toutes les conséquences possibles: la mécanique bruxelloise serait bloquée; les 25 pays membres, effondrés de devoir repartir une troisième fois à zéro, alors qu'ils avaient remaquillé à la va-vite la Constitution dans le dos des électeurs; et surtout Sarkozy serait tout marri d'hériter d'une présidence européenne sans importance, lui qui rêve de grandes choses pour distraire son électorat de ses échecs domestiques.

Autant les journalistes sont extrêmement diserts sur toutes ces conséquences, qui ont de claires dimensions "people" (il s'agit en fait de savoir si telle ou telle personne, plus ou moins antipathique, sera frappée par ce coup du sort), autant ils sont particulièrement expéditifs sur les raisons qui pourraient pousser les Irlandais à voter "non". Et là, rien de nouveau sous le soleil: il n'y a pas de bonnes raisons de voter "non", c'est absolument certain. France Inter nous présente d'ailleurs une alternative explicite: il s'agirait ou bien d'un vote protestataire, ou bien d'un vote anti-européen. Le noniste est soit accablé par sa dure vie et un petit peu idiot (ce qui peut au moins lui valoir un peu de commisération de la part des médias), soit méchant et renfermé sur lui-même. Point final.
Aujourd'hui comme hier, politiques et médias sont unanimes pour dire que c'est cette Europe ou rien. Voter "non" pour en avoir une autre reste toujours aussi impensable.
C'est quand même dingue: la "non" est quand même très largement plébiscité (et le sera peut-être à nouveau), mais ni politiques ni médias ne sont prêts à lui accorder ne serait-ce qu'une once de doute, et se remettre un tout petit peu en cause. Remarquez, ça devient un peu un prophétie auto-réalisatrice: à cause de la scandaleuse surdité des politiques (pas beaucoup aiguillonnés par les médias) qui s'entêtent à proposer encore en encore le même schéma libéralo-obscur aux peuples qui le refuse, on n'est pas prêt de voir l'émergence d'une Europe des peuples et non du fric.

mercredi, juin 11, 2008

La pensée du jour

Je vous laisse sur ces deux bons mots footbalistiques, glanés sur l'excellent résumé des premières journées de l'euro proposée par les cahiersdufoot:
  • La Roumanie, c'est une Italie sans attaque.
  • L'Italie, c'est une Roumaine sans défense.
Les connaisseurs apprécieront. Elena me demande aussi de répéter publiquement mon analyse de lundi soir, selon laquelle l'Italie a beaucoup mieux joué que la France. Je le maintiens.
Et enfin, Telerama partage mon sentiment sur les pries commentateurs de la galaxie.

dimanche, juin 08, 2008

Michael Connelly


Le marketing des polars et autres thrillers me sort par les yeux. Voir toutes ces affiches dans le métro, gros plan sur le visage mystérieux de l'écrivain en noir et blanc, limite menaçant, genre "je suis hyper habile, suprêmement intelligent et peut-être un petit peu fou", ça me fatigue. "Le nouveau maître de l'angoisse". "Il joue avec nos peurs les plus intimes". Tout ça tout ça.
Alors quand je croise lors de mes transports parisiens des dizaines de lecteurs accrochés au dernier livre à la mode, j'ai tôt fait de les trouver complètement crétin (ce qui est le mouvement naturel du voyageur parisien: secrètement mépriser les autres - à part les jolies nanas), et de considérer l'écrivain en question comme un pur produit marketing.

C'est ainsi que je considérais Connelly. Jusqu'à ce que mon frangin préféré, au bon goût affirmé, épaulé par sa chère et tendre, elle aussi spécialiste ès polar, me narrent leur admiration pour le bonhomme.
Vous me connaissez: je les ai défoncé. Armé de ma meilleure foi à triple blindage, je leur ai démontré sous tous les angles que cet écrivain dont je n'avais rien lu était nullissime. C'était le minimum syndical, quoi.

Mais je ne suis pas le mauvais gars. Une fois mes hormones polémiques satisfaites, j'ai acheté un ouvrage de Connelly. Trunk music, pour être précis (ou pour les misérables qui lisent les livres en version française - ouh la honte, ils perdent toutes la saveur de la langue: le cadavre de la rolls. Vous voyez bien que le titre, percutant en VO, est tout pourri en VF. Alors même si je dois passer trois fois plus de temps à déchiffrer le roman, même si je dois me ruiner les poignets à manipuler un lourd dictionnaire (pas facile avec un Gael sur le bras gauche), même si je dois ne comprendre les rebondissements qu'avec plusieurs pages de retard, je suis fier de lire en VO. Euh, je ne m'étais pas embarqué dans une parenthèse il y a quelques dizaines de lignes? Et ben je la clôt là)
Bref, comme vous vous en doutez, j'ai été séduit. Le style, très sec, m'a étonné et semblé quelque peu artifiel au début, mais m'a vite plongé dans l'ambiance rêche d'un Los Angeles que Connelly, ancien chroniqueur judiciaire de la ville, connait parfaitement.
Mais surtout, j'ai apprécié le fait que l'auteur prenne le temps de détailler longuement chaque situation avec luxe détail. On est loin des thrillers-vidéo clip à la Harlan Coben qui, quoique fort efficaces, finissent par ne plus être crédibles au trentième rebondissement. Ce qui arrive autour de la page 10.
Au contraire, Connelly me semble parfaitement maîtriser le délicat équilibre consistant à mettre assez de rythme pour surprendre le lecteur, mais à lui laisser le temps de bien goûter chaque situation, chaque mystère. On profite dfonc pleinement de l'intrigue sans avoir l'impression de vivre un jeu vidéo.

Au final, ce fut donc un polar bien dosé, bien foutu, dans un milieu bien rendu et avec des personnages couillus comme il faut.
Très bien, donc. Mais ne le dites pas à mon frère.

samedi, juin 07, 2008

Les posts auxquels vous avez échappé

Je vous aime beaucoup, mais notre conscience est ainsi faite que nous faisons passer nos enfants avant nos écrits sur Internet. Ma production a donc considérablement chuté, et voici une petite liste des posts auxquels vous avez échappé la semaine dernière:
  • Une chronique douce-amère sur les bébés qui attendent sagement les trente secondes-clé entre l'enlevage de la couche souillée et le placement de la nouvelle couche pour faire caca, pipi, ou les deux;
  • Un billet énervé sur cet étonnant réflexe des routiers, corporation votant massivement à droite, à bloquer le pays pour réclamer des aides de l'Etat (exécré en temps normal) afin d'atténuer une crise de laquelle il n'est en rien responsable;
  • Un billet encore plus énervé sur la neutralité médiatique encore plus étonnante des médias vis-à-vis de ce mouvement, qui n'a rien de commun avec l'hostilité envers les grèves de la SNCF ou de la RATP. Je note que lorsque la SNCF et la RATP fait grève, les gens sont bloqués du fait de la grève, mais les mécontents n'ont rien fait de plus que de cesser le travail. Les routiers, ou les pécheurs, emploient des modes de protestations qui n'ont rien à voir avec la grève puisqu'ils imaginent des moyens spécifiques pour bloquer un maximum de monde. Voila qui mériterait de s'interroger sur la légitimité de la chose, à l'heure où l'on nous gonfle avec le "service minimum" dès que ce sont des fainéants de fonctionnaires qui gueulent;
  • Un post ironico-amer sur l'équipe d'Italie, comme ça pour le plaisir;
  • Une critique des deux derniers films que j'ai vu au ciné, grâce à la bonté de ma femme qui a affronté Gael seul à seul pendant ce temps là: Lady Jane de Guédidian et Un conte de Noël de Dépléchin. Si ces deux films m'ont intéressé, voire plu, ils sont assez originaux et je ne pense pas avoir toutes les clés pour bien les comprendre. Ma pénurie de posts m'a donc permi d'éviter l'exercice de style consistant de dire ce que je pense de films dont je ne sais pas trop quoi penser;
  • Un petit mot disant que mes collègues ont remarqué qu'à revenu égal, ils allaient payer 30% de plus d'impôts cette année que l'année précédente. Les cadeaux fiscaux s'en sont donc allé ailleurs, j'imagine. (Je ne peux pas faire la comparaison personnellement car je suis passé entre les deux dernières déclarations du statut de thésard étriqué à celui de richissime chercheur roulant sur l'or.)

Hommage à Béranger

S'il ne doit rester qu'un type de post, ce sera visiblement un post musical. J'ai quelque peu affiné mon jugement sur les albums dont je vous avais parlé un peu plus bas, et il en ressort surtout que j'adore le dernier album de Portishead. Très exigeant dans la composition musicale expérimentale, l'album est rendu tout à fait accessible par la grâce de la voix fantomatique formidable de la chanteuse. C'est courageux, beau, original, bref, je suis conquis!
Mon jugement sur le dernier Moby (nul) et surtout le dernier dEUS (hélas moyen) n'ont pas contre pas changé.

A part cela, trois nouveaux albums me sont passés par les esgourdes. Les Tit Nassels, très bons sur scène, m'ont moyennement emballé sur leur dernier album: leurs voix se marient très bien, leurs textes sont parfois excellents, mais l'album est assez répétitif dans sa forme et inégal dans la pertinence des thèmes abordés. Jetez une oreille sur le formidable "Soixante millions de..." pour en entendre le meilleur.
J'ai pas mal apprécié le dernier Agnès Bihl, quoiqu'il ait aussi quelques défauts. Elle se complait un peu trop dans le rôle de la chipie mal aimée (dans ses textes), et dans l'exploration de thèmes très hards (la pédophilie par contre). Parfois, ça casse donc, mais heureusementça passe beaucoup plus souvent. Sa jolie gouaille, ses accompagnements bien sentis et sa plume militante et drôle donnent de très bons moments, tels Demandez le programme (en écoute sur son myspace) ou La complainte de la mère parfaite (qui me parle pas mal en ce moment).

De bonnes choses donc, mais qui sont malheureusement pour elles complétement écrasées par la révélation de cette moitié d'année pour moi: l'album hommage rendu à François Béranger. C'est bien là que je me rend compte de ma piètre culture musicale: après Allain Leprest, je suis bien heureux que la jeune génération de chanteurs me fasse découvrir les glorieux anciens.
Le parallèle avec Leprest est troublant: voila un autre grand de la chanson des décennies passées, qui a eu sa petite heure de gloire malgré une personnalité profondément a-médiatique, mais qui est complétement tombé dans l'oubli pour le grand public. Heureusement, les jeunes loups de la chanson française ont de la mémoire et Sanseverino, Loïc Lantoine, la rue Kétanou, Tryo, Jeanne Cherhal, Thiefaine ou encore Jamait le rappellent à notre bon souvenir.
La comparaison avec Leprest a aussi ses limites car leur style est assez fondamentalement différent. Là où le premier brille surtout par la poésie de ses textes (bien que son intégrité et ses engagements soient également au dessus de tout soupçon), Béranger coupe surtout le souffle par la dimension politique de ses chansons (bien que la qualité de son écriture soit tout à fait appréciable).
Bref, les 17 chansons de l'album m'ont franchement secoué. Des thèmes forts (l'Algérie, le vote protestataire, le rôle de la chanson... ou quelques sujets légers à l'occasion) traités de front, avec des mots terribles. Le titre de l'album est parfaitement choisi, même si c'est selon moi la seule mauvaise reprise de l'album. Béranger, le libertaire de service de la chanson dans les années 70, a eu il faut dire une vie qui ne prête pas à la tendresse. Ouvrier dans son jeune âge, il a été arrêté après quelques manifs et envoyé trois ans en Algérie. A son retour, il s'est d'ailleurs vite retrouvé en taule avant de se tourner vers la chanson. Tout cela est fort bien raconté dans la chanson Tranche de vie.
Talentueux, mais avant tout énervé, Béranger a par contre, comme Leprest, pas mal profité du coup de jeune donné à ses arrangements par la fine fleur de la chanson qui lui rend hommage. D'où un album énorme, où les chansons pétries de talent s'enchainent si vite qu'il faut une dizaine d'écoute pour en faire le tour.
Et comme s'il fallait en rajouter, Mell et Christian Olivier nous gratifient d'une perle absolue, la reprise de Manifeste. Intelligente, intègre, énervée, maline, marrante et brillante à la fois, cette chanson à elle seule justifierait l'achat de l'album. Un objet à ne pas rater, donc.

dimanche, juin 01, 2008

Camille à la Cigale


Euh, salut, vous vous souvenez de moi? Dans le temps, il m'arrivait de mettre un jour un blog plus d'une fois toutes les deux semaines pour rajouter des photos de mon fils. Vous me remettez?
Bien. Parce que je suis de retour, au moins le temps d'un post! Tout comme le jeune cadre dynamique qui allait voir un concert toutes les semaines était de retour mercredi soir, au détriment du père attentionné et autoritaire à qui il a laissé place récemment. Par la grâce de mon frangin et de sa fidèle assistante, nous avons en effet pu nous arracher aux cris d'amour de Gael pour profiter du concert de Camille à la Cigale.

C'était le concert piège par excellence car nous nourrissions de hautes attentes quand au spectacle qui allait nous être offert.
Pour commencer, nous adorons les deux derniers albums de Camille, et saluons l'évolution vers plus de recherche sur les sons bizarres qui a présidé à la réalisation de Music Hole. En plus de cela, la fo-folle bondissante Camille bénéficie d'une réputation de bête de scène que nous avions hâte de voir de nos petits yeux ébahis. En outre, elle est accompagnée de spectaculaires musiciens-vocaux (faisant la batterie, la basse et le scratch à la bouche, par exemple), ce qui assure certainement le spectacle.
Et enfin, plus égoïstement, puisque nous allons nous rendre au concert moins souvent que par le passé (si, si, ne cherchez pas à me consoler, j'en suis sûr), nous voulions vraiment en prendre plein les mirettes. Autant dire que la mère Camille avait toutes les chances de nous décevoir tant la barre était haute.

Ne reculant devant rien, nous lui avons rendu la partie encore plus difficile en n'arrivant *que* quinze minutes avant l'ouverture des portes. Une file impressionnante d'une centaine de mètres était déjà formée ce qui, alliée au nombre de sièges réservés pour les VIPs dans une salle demie-assise, nous a laissé peu de places acceptables.
Petite parenthèse en passant: en temps normal, cette pratique élitiste de la réservation de places aux invités m'horripile. Mais quand les VIPs ont les traits charmant de Sandrine Kiberlain, ben je passe l'éponge. Et quand aux lecteurs malfaisants qui voudraient me faire remarquer que nous pourrions choisir des places debout, je vous répond qu'il n'en est pas question. Nous avons droit à notre petit confort maintenant! Fin de la parenthèse.

Notre vieille expérience aidant, nous avons réussi à choper des places acceptables à l'étage, seulement gênés par un poteau coupant la scène en deux régions. Mais la vue restait tout à fait acceptable.
Sauf que de petits malins, arrivés plus tard que nous encore et peu satisfaits de la taille moyenne du spectateur présent dans la fosse, ont trouvé un plan d'enfer: en s'agrégeant contre ledit poteau, dans le passage, ils avaient une vue parfaite sur la scène. Certes, chacun d'entre eux cachait le spectacle à une cinquantaine de spectateurs assis, mais si on ne regarde pas derrière, on peut facilement faire semblant de ne pas s'en rendre compte.
Nous évitâmes le fiasco grâce à votre serviteur qui s'en allât courageusement bouter les malotrus dans la fosse. Dès le début de la première partie, je bondis et agressais courageusement une malotrue qui s'en alla la queue entre les jambes. Seulement, je m'étais à peine réassis que de nouveaux goujats débarquèrent et cachèrent la vue fraichement dégagée. J'étais à deux doigts de céder à l'énervement quand une des spectatrices assises dans le même axe que moi pris la relève, et veilla au bon respect du déblayage du poteau pendant tout le concert, résistant stoïquement aux démonstrations de mauvaise foi les plus tourneboulantes (genre "mais on va pas au concert pour être assis" - alors qu'il était impossible de voir quoique ce soit même debout derrière les malotrus). Sans mes disciples, j'aurais peut-être réagi de manière moins diplomatique.

Quoiqu'il en soit, je ne peux pas dire que j'avais l'esprit complètement libéré quand Camille fit son entrée sur scène. Et donc, malgré l'inconfort de notre position, et malgré les très haut niveau d'attente à laquelle elle était exposée, Camille nous a en-chan-tés.
Pour commencer, ses chansons sont magnifiques, ce qui est ma foi assez important. La scénographie était superbe: Camille est accompagnée d'un clavier (la seule concession aux instruments classiques), de deux "human-drum-box" (basse et batterie à la bouche), de deux choristes masculins faisant des percus en sautillant sur leur estrade (enfin, c'est ce que j'imagine car on ne les voyait pas - ils étaient de l'autre côté du poteau), et de deux choristes féminines. Et c'est très impressionnant de voir tout ce monde là chanter au diapason en se tapant sur la poitrine pour établir la rythmique!
Et j'ai surtout apprécié l'intensité que tout ce petit monde mettait dans les chansons. Le groupe emporte le public non pas simplement en faisant quelques petites blagues, mais en se jetant corps et âmes dans des chansons décalées et très travaillées. On est scotché, et carrément conquis quand arrivent les chansons les plus ludiques, lors desquelles on est ravis de faire "miaou-miaou waf-waf" quand on nous l'ordonne.

Bref, Elena, Sandrine et moi-même avons passé une soirée superbe. Merci à Camille, à mes disciples et surtout à Mathieu et Vanessa!