dimanche, mai 31, 2009

Nouvelle fournée






Cela fait un bon mois que je ne vous ai pas tenu informé de l'actualité de mes esgourdes. Je vous sens étouffés par le suspense, le souffle court, n'y tenant plus. Grand seigneur, je m'en vais vous libérer en vous offrant une délicieuse chronique musicale.

Convaincu par une chronique enthousiaste de Télérama, je me suis aventuré loin de mes guitares et accordéons favoris avec Oxmo Puccino et son dernier album, Larmes de paix. Si comme moi vous ne le connaissiez pas, il s'agit d'un rappeur reconnu avant tout pour sa plume.
Je ne sais pas si sa réputation de poète, que les médias ont tendance à décerner à tort et à travers, est parfaitement méritée, mais il n'en reste pas moins que les textes sont riches et intéressants. Le bonhomme commence à être sérieusement connu, ce qui lui vaut un album impeccablement produit, où la musique réhausse des paroles qui ne sont pas laissées à nu. Il a le courage (et l'habileté) de visiter de multiples styles musicaux, souvent avec succès (Sur la route d'Amsterdam, 365 jours), parfois avec moins de bonheur (Partir 5mn).
Bref, l'album ne m'a pas offert de choc esthétique fondateur, mais est bien agréable à écouter. Quand une production efficace a l'intelligence de ne pas étouffer le talent, pourquoi ne pas jeter une oreille...

J'ai une très haute opinion de toi, lecteur, donc je suis certain que tu te rappelles parfaitement du groupe La Blanche, un de mes deux coups de coeur stratosphériques parmi les artistes beaucoup trop peu connus (avec Mr Roux). Et bien ils sortent un nouvel album, Imbécile heureux.
Là où les deux autres albums brillaient par leurs paroles sublimes, fantastiquement belles (on peut pour le coup parler de poésie), défendues par les musiques péchues, le nouvel album choisit de mettre les paroles plus en retrait, pour créer des ambiances plus que pour raconter de longues histoires. C'est une évolution tout à fait intéressante, qui vise à passer en quelque sorte du monde de Brassens à celui de Bashung.
Le pari est réussi, dans un sens: chaque morceau, servi par des musiques subtiles, nous emmène dans un petit monde envoutant. Malheureusement, la production de l'album a visiblement été difficile, puisque le projet est passé en court de route d'album classique à mini-album (5 titres). Les cinq titres survivants restent très bien produits, mieux peut-être que ceux des deux albums précédents, mais c'est court, très court, quand il s'agit de créer de subtiles ambiances et de dépayser l'auditeur.

Et pour finir, on en vient à deux valeurs sures, qui confirment chacun dans leur genre.
Olivia Ruiz d'abord, avec Miss Météore. Voila un autre exemple d'album commercial, avec moultes collaborations médiatiques (des duos en veux-tu en voilà). Oui mais là aussi, le talent est là. Rien de bien bouleversant pour qui connait les autres albums de la demoiselle, mais de très bonnes choses dans la même lignée. Le titre caché, en duo avec le chanteur des Têtes raides, m'a particulièrement tapé dans l'esgourde.

Et puis, enfin, l'homme qui jamais ne déçoit. L'homme qui toujours se réinvente, tout en gardant sa patte. Ben Harper nous offre avec White lies for dark times de nouveau un grand, très grand album.
Après quelques virées gospelisantes, après un album-instantanné enregistré en quelques jours à Paris, après de bien beaux albums parfaitement équilibrés avec les Innocent Criminals, il a choisi de se redonner un coup de fouet en retrouvant les Retentless 7. Une formation plus nerveuse, plus rock que les Innocent Criminals, avec qui il avait déjà sorti Both side of the gun.
Et bien, que vous dire? C'est tout simplement - encore - superbe. Jugez vous-même.

dimanche, mai 24, 2009

Allez les jaunes

Pour certains, ce n'est qu'un résultat sportif sans aucune importance. Pour moi, en plus d'être un petit pincement au coeur devant les errances de mon club préféré, c'est surtout un édifiant exemple de l'efficacité et de la vision à long terme de la gestion libérale: Le Football Club de Nantes va descendre en ligue 2.
Ce club a patiemment développé un style de jeu vif, à une touche de balle, qui, non content d'être efficace (il lui a valu la bagatelle de huit titres de champions de France), en a fait une des équipes les plus appréciées de France. Seulement, ça ne s'est pas fait en deux jours: il a fallu 40 ans pour forger cette philosophie de jeu, étroitement liée au développement d'un centre de formation sortant quelques perles chaque année.
Quarante ans. Et tout cela a été mis par terre en quelques années par deux brillants entrepreneurs, Dassault et Kita.
En 2002, le groupe de Dassault - la Socpresse - achète le club, et vire prestement le dernier entraineur emblématique du "jeu à la nantaise". Attendre que des petits jeunes soient lentement formés n'est plus vraiment à l'ordre du jour: on préfère acheter (cher) des noms plus ou moins fameux, qu'on juxtapose en une équipe anonyme et peu rodée. Comme évidemment ça ne fonctionne pas instantanément, et que Dassault s'est donné des objectifs à horizon très court, on rebouleverse l'équipe du tout au tout l'année suivante, en changeant si possible l'entraineur. Je vais vous surprendre: cette politique n'a pas conduit à un titre de champion d'Europe, mais à une descente en ligue 2.
Le club a alors été vendu à un sombre entrepreneur polonais à la fortune un peu trouble - Waldemnar Kita - coutumiers des déclarations fracassantes. Les proprio changent, la philosophie reste: le FCNA voit défiler 9 entraineurs en 10 ans, lui qui n'en avait vu que 6 en 40 ans. A peine remonté en ligue 1, le club redescendant en ligue 2 cette année.
Maigre consolation: les "entrepreneurs" qui ont sabordé le club ont perdu beaucoup d'argent dans l'affaire. Mais il faudra attendre quelques décennies au moins avant de revoir un FCNA performant et ayant une identité forte...

samedi, mai 16, 2009

Gaelou d'avril

Voici la livraison mensuelle, quelque peu en retard.

vendredi, mai 15, 2009

Observatoire des inégalités

J'attire votre attention sur l'observatoire des inégalités, pointé par France Inter ce matin et qui regroupe de nombreuses et intéressantes statistiques sur la relative richesse et pauvreté de chacun. Histoire d'avoir des ordres de grandeurs, notamment à la place de ceux qui n'en ont pas (eux ou même eux).
Mais ça peut aussi nous servir à nous. Personnellement, j'ai appris beaucoup de choses qui me font jouer profil bas (et en plus, il a le bon goût de pointer sur cet excellent article d'alternatives économiques), et de choses qui m'énervent .

Pour ceux qui ont la flemme de suivre mes liens, quelques ordres de grandeur:
  • La revenu médian en France est de 1500 euros net;
  • 90% des salariés gagnent moins de 3100 euros net;
  • le revenu médian des ménages (quelle que soit leur configuration) est de 2250 euros. Pour une personne seule, c'est 1300 euros; pour un couple sans enfant 2500 euros; pour un couple avec deux enfants 3400 euros.
  • un ouvrier non qualifié a en moyenne 10 000 euros de patrimoine; un cadre 200 000 euros.
  • les 10% les plus riches possèdent 46% du patrimoine du pays;
  • 40% des agriculateurs, 50% des ouvriers et des retraités, et 90% des cadres partent en vacances chaque année;
  • 70% des agriculteurs et des ouvriers, contre 20% des cadres (quand même) n'ont pas ouvert un livre (BD et livre pratique compris) dans l'année;
  • la pratique du sport des enfants est corrélée au niveau d'étude de leurs parents;
  • 9% seulement de la population adulte a un diplôme supérieur à bac+2.

mercredi, mai 13, 2009

Tire mon doigt

Ému par la découverte que m'avait échappée une œuvre majeure de la littérature française, portée si haut aux nues par les écrivains contemporains qu'elle se détachait avec une netteté si claire, si évidente, du firmament littéraire qu'on eût pu le croire peuplé de livres de peu d'intérêt; alors qu'il y côtoyait le meilleur de ce que des siècles d'écriture avait produit de plus élégant, de plus fort et et de plus finement observé; je me suis abîmé dans sa lecture malgré les mises en garde d'amis lettrés qui, sans nier l'extraordinaire beauté de l'écrit, insistaient également sur le grand ennui qui pouvait résulter du rythme lent de sa narration. A ma grande surprise, et même si sa richesse eût mérité une lecture plus attentive, qui n'aurait en particulier par été troublée par les multiples interruptions imposée au lecteur usager du métro guettant sa correspondance et cherchant à ignorer la sérénade poussive qu'un violon hésitant portait à ses oreilles, j'ai grandement été touché par ce livre qui effectivement brille par son art virtuose de la description des paysages et du milieu très bourgeois habité par l'auteur, et qui relate des anecdotes et surtout des observations sur l'âme humaine relativisant grandement l'ennui prophétisé par mes amis. Toutefois, je dois avouer qu'alors que je viens seulement d'achever la première des dix parties de cette œuvre, il m'est nécessaire de marquer une pause avant d'en poursuivre la lecture, comme on ressent le besoin de choisir d'autres plats que celui dont on vient à peine de découvrir la saveur délicate et qu'on privilégierait sans hésiter s'il ne fallait en goûter qu'un jusqu'à la fin de ses jours, mais qui écraserait alors tant les autres de sa brillante mais répétitive omniprésence que l'on viendrait à en oublier le plaisir de la variété de ce qu'il nous est donné de goûter par ailleurs, avant que, saturés, agacés, nous ne repoussions de manière épidermique le pourtant somptueux et subtil mets.

vendredi, mai 08, 2009

Nul n'est parfait


La recherche médicale permet entre autre de toucher du doigt le quotidien clinique des hopitaux. Les infirmières débutantes sont à l'écoute des plus expérimentées, qui cohabitent avec des techniciens, tous aux ordres des jeunes médecins, qui eux-mêmes font place nette dès que le chef de service fait son entrée. Au bout du compte, et plus encore quand ledit chef de service est une pointure reconnue, tout le monde - infirmières, techniciens, médecins, industriels de la pharmacie ou de l'industrie médicale - tourne autour d'une seule et même personne dont les paroles ont valeur d'évangile. Tout le monde lui court après pour voir son avis, sik bien qu'il doit être bien difficile de garder les pieds sur terre dans ces conditions.

Après une journée à discuter avec un de ces grands pontes, et à assister à certaines ses (impressionnantes) interventions, nous sommes allés au restaurant avec lui et certains membres de son équipe, tous tremblants de l'honneur qui nous était ainsi réservé. Bon connaisseur des lieux (pas bêtes, on l'invite évidemment dans un resto qu'il connait et apprécie), il choisit le vin sans même consulter la carte. Il en connait les yeux fermés le cépage, l'origine, et nous débite ces informations avec l'assurance qui accompagnait ses analyses pointues sur divers sujets de recherche clinique. Woaw. Ce vin doit valoir son pesant de cacahouettes.
Nous sommes si coi devant un choix qui semble si renseigné et si solide que nous ne remarquons pas deux détails qui ont évidemment une importance fondamentale. 1- Le vin en question vient d'Afrique du Sud 2- Le bouchon est en métal et se dévisse.

A l'énoncé de ces indices, j'aurais bien évidemment dû avancer prudemment. Mais le toubib, servi le premier, conclut sa dégustation d'une très légère moue approbatrice. Un signe d'approbation plus net ayant fissuré son autorité, je devine qu'il est au comble du bonheur et que le vin dépasse toutes ces attentes.
Servi à mon tour, je le goute. Une horreur. C'eût même été moins pire s'il avait été bouchonné (impossible pour cause de bouchon en métal), ou même s'il n'avait pas correspondu à mon goût.
Là, c'était tout simplement l'incarnation du vin blanc apprécié du mec qui ne sait pas ce que c'est que le vin. Une chose moelleuse à outrance, balançant sans aucune nuance des arômes si banals qu'on trouve plus de richesse dans un soda. Un truc que tu appréhendes si facilement, si immédiatement, si pauvre, si bête, qu'on ne peut pas laisser le bénéfice du doute au type qui l'a choisit. Il n'a pas de goûts différents en matière de vin, ni même mauvais goût; il n'a tout simplement pas de goût. Il ne peut pas prendre de Coca en sembalble compagnie, alors il opte pour ce qu'il y a de plus approchant.

Pour vous dire, c'était si mauvais que j'ai fini mon verre et terminé à l'eau. Je vous rassure, personne n'a pipé mot, tout le monde est resté bien civil. Renseignements pris cependant, tous les français présents à la table partagent mon analyse, même s'ils ont tous comme moi terminé leur verre sans rien laisser paraitre.
C'est triste pour le toubib car si ça se trouve il s'est mis au vin sur le tard, mais il est tellement accoutumé à n'être accompagné que de vassaux qui le regardent respectueusement que personne ne lui a jamais fait goûter une vraie bouteille!
Ah la dramatique solitude du ponte sur son Olympe...

samedi, mai 02, 2009

Sur écoute

Les sériophiles les plus éminents mettent évidemment tous un point d'honneur à peupler leur palmarès personnel de séries cultes peu connues (ou peu reconnues), ce qui est d'ailleurs chose aisée étant donné le nombre et la qualité de la production américaine. Malgré tout, quelques grands noms se dégagent. Passés les deux maîtres toute catégorie confondue (Six Feet Under et les Sopranos), on trouve un petit groupe de séries majeures (The Office, The Shield, Battlestar Galactica, House...) parmi lesquelles nous avons pioché notre grand chouchou du moment: The Wire.
La série - achevée - éclaire en cinq saisons et autant d'enquêtes divers aspects (noirs, déprimants et profondément humains) de la ville américaine de Baltimore, nationalement connue pour son acquarium, sa criminalité et son taux de chômage record. Dans l'ordre des saisons: la guerre contre la drogue, les syndicats, l’éducation, la politique et, pour finir, le journalisme. Je vous avoue n'avoir pour l'instant vu que la première saison, mais elle m'a tant emballé que malgré la crise-qui-bride-mon-pouvoir-d'achat j'ai vendu toutes mes actions et déjà acheté les quatre autres.

Ecrite par un ancien journaliste chargé des affaires de police au Sun de Baltimore, cette série exigeante multiplie les paris risqués. D'abord, son sujet est âpre et amplement politique - car à dépeindre dans le détail le déroulement du traffic de drogue, on comprend bien que l'attention des politiques est porté ailleurs - quand ils ne sont pas complices. Par ailleurs, le moins qu'on puisse dire est que l'auteur ne se sent pas obligé de n'offrir que d'éclatants happy ends.
Ensuite, le traitement refuse tout manichéisme: on passe presque autant de temps parmi les dealers que parmi les policiers. On apprend le quotidien, les petitesses et les moments de grandeurs des uns et des autres. Et sans un seul instant nier la gravité du traffic des premiers, on en gagne une image nuancée et différentiée. Par ailleurs, on découvre une mécanique policière, judiciaire et politique consanguine gangrénée par les enjeux de pouvoir et la corruption. Quand aux simples flics, rares sont ceux finalement qui n'ont absolument aucune arrière-pensée.
Enfin, les enquêtes voient large. The wire est connue pour être la série brassant le plus de personnages majeurs (plus de cinquante), qu'elle prend chacun le temps de détailler et d'humaniser. C'est un plaisir de voir tout ce petit monde qu'on connait si bien intéragir. D'autant qu'évidemment, comme toutes les bonnes séries américaines, les acteurs sont tout simplement parfaits.

Bref, c'est une série courageuse, juste et humaine. Comme si ça ne suffisait pas, l'auteur refuse les coups de théâtre acadabrantesque et préfére avancer sur un faux rythme - ce qui ne manque pourtant pas d'être passionant, et laisse tout bonnement à la renverse lorsqu'un événement majeur se produit (rejoignant en cela le polar à la Connelly).
Dans ce concert de louanges, j'oublie le principal: elle est sacrément réussie. Tout sonne juste, tout passionne, tout fonctionne. Pour vous motiver plus encore, deux articles de Télérama sur le sujet ( et ), et le soutien de Barack Obama, qui a déclaré que c'était sa série préférée.