mardi, février 09, 2010

Architruc

Sans l'indice camouflé dans un billet précédent, vous seriez bien en peine de deviner l'ouvrage dont je viens d'achever la lecture. Son auteur a bien été récemment au centre de l'actualité, l'ensemble de son œuvre par les plus respectable spécialistes dans des médias unanimes; et pourtant, petits téléspectateurs piqués par la curiosité que vous êtes, croyez-vous que vous pouviez lire son œuvre maitresse? -Nécessairement, vous écriez-vous, il suffit de se rendre chez son libraire favori, de se connecter sur son site en ligne préféré, et d'en faire l'acquisition. Rien de plus simple!
Et c'est là que les lapereaux naïfs que vous êtes se trompent du tout au tout. Notre belle société - la MEILLEURE!!!, on nous le dit, on nous le répète! - édite des millions d'unités du dernier Dan Brown, garde en mémoire l'intégralité de l'inégalable biographie de Guillaume Musso, mais ne marque par contre aucune tendresse pour un auteur de référence certes, mais terriblement désuet. Ah qu'il s'agisse de s'incliner devant l'auteur majeur, brillant, admirable, et la foule noire des admirateurs éplorés s'étend jusqu'à l'infini. Mais personne - PERSONNE!! - ne se présente pour ressortir une édition originale vieille de 35 ans, et maintenant épuisée.
Par le truchement de ventes d'occasions, j'ai pu me procurer le premier des trois pesants volumes de l'œuvre en question. L'objet est si épais, l'écriture si dense et les lignes si larges que j'ai failli m'incliner, me recroqueviller et me laisser emporter dans les tuyaux amnésiques de la société du divertissement.

Mais l'auteur m'a vite prouvé qu'il méritait bien plus qu'un hochement de tête respectueux. En tant que témoin majeur de l'Histoire, j'avais tendance à le considérer comme une autorité lointaine et obscurément ennuyeuse, comme une statue impressionnante mais immobile. Quelques dizaines de pages ont suffi à me convaincre qu'il avait sauté de son piédestal en deux temps trois mouvements, et qu'il m'avait fermement pris par la main pour me faire pénétrer l'horrible réalité qu'il a connu. Certes, il signe un livre érudit prétendant à la quasi-exhaustivité du sujet traité. Mais surtout, écumant de rage, rayonnant de rancœur, il nous fait goûter, d'anecdote en anecdote, de très très près les multiples facettes répugnante du système qu'il dénonce. Inexorablement, chaque étape de son processus révèle strate sur strate de cruauté et d'inhumanité.
Un putain de choc, traumatisant mais aussi et paradoxalement vivifiant.

dimanche, février 07, 2010

Jewels


Les trois albums de cette chronique musicale comptent une belle confirmation, et deux bijoux. Pas mal comme programme, n'est-il pas?



La confirmation, c'est le nouvel album de Batlik: l'heure des choix. Les textes super-engagés, qui alternent avec des histoires minimalistes plus légères, répondent bien présent. La guitare virtuose et la voix bien particulière marquent les morceaux de la talentueuse patte Batlik.
Mais là où cet album diffère un peu des autres à mon sens, c'est par la complexité des arrangements qui gagnent en profondeur, grâce notamment à une clarinette élégante toujours placée bien comme il faut. Seulement, et je ne sais pas si c'est lié à ce travail en profondeur sur la musique, mais il me semble que l'heure des choix ne comporte pas, comme les deux albums studio précédents, de chanson à la mélodie simple et ravageuse, propre à emporter le nouvel auditeur.
Pour le fan aguerri, ce nouvel opus est tout à fait à la hauteur des précédent, et creuse même un peu plus le sillon du bonhomme. Par contre, de fraiches esgourdes devraient peut-être se tourner vers Juste à côté ou Utilité pour rentrer dans son monde.

Mais rentrons maintenant dans le cœur des bijoux. Les amis d'Allain Leprest nous gratifient d'une deuxième compilation de reprises de ses chansons dans Chez Leprest II. Parmi les intervenants, citons La rue Ketanou, Alexis HK, Olivia Ruiz ou Anne Sylvestre (et oui).
L'idée est de mettre en valeur les splendides textes du méconnu Leprest, dont les enregistrements manquent un peu de puissance musicale. Si le travail sur la musique reste sobre, les intervenants se rattrapent largement sur l'interprétation. Grâce à eux, on se prend en pleine tronche les textes formidables de ce grand bonhomme, ce qui est bien le but de la manœuvre. Tour à tour féroces (Je ne te salue pas), tendres (Arrose les fleurs, la retraite) ou amusants (Le temps de finir la bouteille), ils sont toujours magnifiquement poétiques. Consacrez dix minutes aux quatre chansons que je vous ai sélectionné ci-dessus, et vous allez voir ce que vous allez voir (commencez donc par je ne te salue pas...).
J'adore.

Et enfin, je suis navré de ne pas pouvoir vous faire écouter quelques morceaux de Fantazio, intraçable sous deezer. Il ne vous reste plus qu'à vous faire une idée sur leur excellent site.
Le Fantazio Gang, c'est avant tout une bande de quatre habités de la scène aux instruments improbables (monsieur Fantazio le contrebassiste en tête), ne reculant dans aucune expérimentation festive. Je n'ai jamais eu la chance de les voir en concert, mais leur excellent album Cinq mille ans de danse tourne en boucle dans mes esgourdes depuis deux mois. Il respire l'énergie de la scène, les collaborations éclectiques, et les envolées originales. Mais surtout, là où je suis impressionné, c'est que malgré toute cette richesse, l'album reste parfaitement accessible et très bien équilibré.
J'adore aussi.

jeudi, février 04, 2010