lundi, mai 24, 2010

L'invention du siècle

Salut, vous me reconnaissez?
Et oui, c'est bien moi! Étonnant, pas vrai? Vous aviez en mémoire ce jeune papa pâlichon, les yeux cerclés de vert se tordant nerveusement les doigts, pas vrai? Ahaha, mais c'est du passé tout ça!
Comment ai-je fait pour me métamorphoser en cet étonnant trentenaire bronzé au sourire détendu? Facile, j'ai trouvé un remède miraculeux à la paternité épuisante!
J'ai nommé...
Le bac à sable!

Alors si vous ne connaissez pas le concept, c'est génial!
Au lieu de rester enfermé dans votre petit appart' avec votre enfant très-mignon-et-super-vif-oh-oui-qu'il-est-vif, à lui courir après alors qu'il enfreint scientifiquement toutes vos interdictions, en essayant de lui inculquer, si ce n'est du savoir-vivre, du moins un minimum d'instinct de survie, et bien vous lâchez le turbulent novice dans un bac-à-sable ensoleillé.
Des générations de parents ont développé le concept pour aboutir à une topologie des lieux absolument parfaite. En plein air, les hurlements du bambin sont infiniment plus supportables que dans un espace restreint, et en plus les mesures de rétorsions des voisins deviennent de lointains souvenirs. En outre, les enfants environnants ayant la même propension à hurler et à commettre de frustrantes bêtises, vous réalisez que vous subissez les effets normal de l'apprentissage en jeune âge, et n'avez pas hérité de quelques tête particulièrement brulée qui n'atteindra un semblant de maturité que quand vous serez en maison de retraite.

Par ailleurs, le sable a deux propriétés intéressantes.
D'abord il est mou, ce qui permet de ne pas s'inquiéter outre mesure quand l'enfant à la recherche de ses propres limites s'étale à grande vitesse, le corps formant un axe improbable avec le plancher des vaches (la seule contrainte et que la tête doive heurter le sol la première).
Mais surtout, le sable peut être transvasé à l'infini, à la main, à la pelle, dans un seau, ou même à la bouche, ce qui permet à nos petites têtes blondes de développer une variété illimitée de jeux qui nous apparaissent complément crétins, mais qui ont l'heur de les fasciner. Il fallait voir Gael prendre une pincée de sable à une extrémité du square pour courir vers une flaque sise à l'autre extrémité, afin d'y jeter son offrande, et de repartir ventre à terre se ré-approvisionner.
Je suis certain que cette activité a de hautes vertus pédagogiques.

Il convient également de souligner le large éventail d'enseignements que les bambins tirent de la fréquentation assidue des bacs à sable. D'abord, les petits Parisiens découvrent qu'il y a une vie hors les appartements et les métros, et qu'on peut survivre et s'épanouir à l'air libre.
Ensuite, les enfants apprennent à vivre ensemble, à cohabiter, à partager des ressources (toboggan, animal à ressort...), voire à développer de profondes amitiés autour d'un prêt de râteau en plastique. Selon votre sensibilité politique, vous pourrez même vous convaincre qu'il apprend les vertus du communisme autour du partage désordonné des jouets, ou du libéralisme puisque les enfants ont forcément tous envie du même jouet, et que c'est le plus fort qui le prend (sauf si un adulte intervient, ce que je considère comme une intrusion inacceptable de l'Etat dans le mécanisme de l'offre et de la demande. Après vous allez vous étonner que les enfants les plus forts aillent vivre en Grande-Bretagne).

Ces prétextes pédagogiques étant posés, je peux avancer le vrai, l'unique argument. Nous glandons tranquillement au soleil, qui en feuilletant un journal, qui en discutant avec d'autres parents (qui sont très souvent soit des compagnones d'accouchement, soit des parents de camarades de crèche), qui un apéro à la main. On est cools, il fait bon, et en plus on récupère Gael lessivé, prêt à être jeté au lit (après une douche au karsher, vous n'imaginez pas où il peut se coller d'impressionnantes quantités de sable).
Cerise sur le gâteau: on impressionne nos collègues célibataires par notre bonne mine bronzée, et notre humeur légère et détendue! C'est pas du bonheur, ça?

mardi, mai 18, 2010

L'ile de la frustration

L'offre avait l'air parfaitement alléchante.
Une semaine dans un petit paradis gersois, tous frais payé (ou plutôt si bon marché que c'était tout comme). Une semaine de détente dans une riante campagne dont nous pourrions profiter depuis une superbe demeure, ferme réhabilitée avec goût dans le confort le plus moderne. Immense terrain. Jolie piscine. Court de tennis à disposition. Terrasse à apéro et barbecue. Une retraite idéale pour se mettre au vert.
Et comme si cela ne suffisait pas, nous pouvions y aller avec tous nos potes, et nous régaler de toutes les variétés immaginables de canard: magret, confit, cassoulet, cœurs grillés, salade de gésier, pâtes aux aiguillettes, sans oublier le mythique hachis de canard. Le tout généreusement arrosé de vin du cru, et d'Armagnac comme il se doit. Quand le festif rejoint le reposant!

Nous aurions dû lire les petites lignes. Car nous nous sommes rendus sur... l'ile de la frustration!

Cette semaine nous était en effet offerte sous une condition: que nous nous y rendions en compagnie de notre charmant bambin, dont vous connaissez la vivacité, la gentillesse et la joie de vivre. Seulement, il était de mèche avec la production et nous a sorti une semaine d'opposition à l'autorité d'anthologie!
Stupéfiant par sa capacité à ignorer parfaitement nos injonctions pourtant répétées à des niveaux sonores croissants, il nous a contraint à nous arracher quelques centaines de fois à de mythiques apéros ou de riches discussions en terrasse pour imposer physiquement nos légitimes contraintes (qui pour nombre d'entre elles, visaient à l'empêcher de commettre diverses formes de suicide).
Cela ne suffisait d'ailleurs souvent pas à arrêter notre insurgé. Faisant fi d'une différence de taille qui eût pourtant dû inciter à la prudence tout animal un tant soit peu soucieux de sa survie, il passait régulièrement outre l'interdit à la seconde où nous le lâchions, en nous regardant droit dans les yeux de préférence.
Mis au coin pour le compte, il s'enhardissait occasionnellement à profiter du premier instant de liberté pour rééditer sa bêtise, ou à nous rouer de coups de ses petits bras tournoyants.
Étouffé par la frustration, j'ai maintes fois, prostré, frôlé la folie criminelle.

Évidemment, nous étions conscients qu'il ne fallait par reculer d'un pouce pour que le rebelle comprenne la sottise de sa systématique opposition. Il nous a cependant pas été facile de nous plier à cette stratégie sans nourrir quelque rancœur, injuste pour un petit bonhomme suivant son évolution normale, mais terriblement compréhensible du point de vue du parent ignoré, insulté et tabassé.
Et ce d'autant que le mécanisme de l'île de la frustration est d'une implacable efficacité. En effet, le petit syndicaliste féroce répète ses revendications nihilistes à rythme très soutenu, ce qui empoisonne rapidement le quotidien de jeunes parents pourtant partis pour une semaine de repos. En outre (et c'est un principe également appliqué dans de plus illustres émissions de télé-réalité), nous étions dans un état d'épuisement absolu scientifiquement construit.
Pour commencer, l'enragé miniature mettait un point d'honneur à nous tirer du lit tous les matins entre 6h et 6h30. Comme les soirées entre copain, même écourtées, se terminaient au plus tôt à minuit, notre déficit de sommeil atteignait des profondeurs abyssales. Mais en plus, notre régime gersois nous plongeait dans un étouffant état de somnolence dont il était très difficile de se tirer pour imposer notre loi pour la 272ème fois de la journée. Et enfin, les apéros creusaient encore plus avant une doucereuse indolence qui eût été douce si elle n'eût pas été interrompue à un rythme frénétique par le rambo des bacs à sable.

Mais nous sommes sortis vainqueurs de cette terrible épreuve!
Perclus de frustration, nous avons su trouver en nous d'insoupçonnées sources de sérénité qui nous ont permis de tenir, épaulés par de compatissants copains dont les enfants s'étaient bien entendu passés le mot pour être plus adorables les uns que les autres cette semaine là. Acculés aux confins du craquage nerveux, nous en avons appris beaucoup sur nous-même, et souhaitons beaucoup de bonheur à tous les jeunes parents qui nous lisent!

jeudi, mai 06, 2010