mardi, juillet 10, 2007

Avocat et berger


L'année musicale prend ses quartiers d'été et fuit notre belle capitale ensoleillée pour s'aventurer dans l'Autre France à l'occasion des festivals. Faut faire des efforts pour élever l'esprit des Provinciaux, nom de dl'a.
Mais la vie culturelle parisienne ne s'arrête pas à si bon compte, et c'est le ciné qui prend courageusement la relève des accordéons défaillants par l'intermédiaire de deux très bons films: Raisons d'état et L'avocat de la terreur. Un film et un documentaire, sobres, qui mettent en valeur la force de leur sujet et font froid dans le dos.

Raisons d'état est un film fraichement sorti où De Niro nous parle de la naissance de la CIA, épaulé par quelques potes à lui: Matt Damon, Angelina Jolie, Alec Baldwin, Joe Pesci, John Turturro, pour ne citer que ceux dont je me souviens.
L'histoire ne lâche pas d'une semelle Edward Wilson, brillant étudiant de Yale qui se retrouve de fil en aiguille (et de société secrète en coups de main patriotiques) mélé à la création de la CIA. Et qui découvre qu'on ne s'épanouit pas forcément follement dans cette ambiance paranoïaque, et qu'il est délicat de mener une vie de famille équilibrée en bossant 15 heures par jour 7 jours sur 7 pour l'Etat.
Le moins que l'on puisse dire, c'est que notre bon Bob de Niro a choisi une entreprise ambitieuse (voire casse-gueule) pour son retour à la réalisation en cherchant à brosser une telle saga sur deux décennies (et pendant 2h45). Surtout que la ribambelle de star qu'il a à son service est à double-tranchant: le film peut vite devenir un défilé de star sans intérêt.
Et bien force et de constater que Bob s'est joliment sorti de ce piège. Le film est parfaitement équilibré, et raconte une histoire passionante sans effets de manche et grosse cascade. On est plutôt dans une ambiance de film noir maîtrisé, ce qui sied bien au propos fin du film et nous fait revivre une époque peu sympathique mais très intéressante.

Mais malgré tout son talent, Bob n'arrivera pas à effacer le choc du documentaire magnifique de Barbet Schroeder consacré à Vergès: l'avocat de la terreur. 2h15 d'interviews, sans commentaires, qui scotchent de la première à la dernière seconde.
D'abord parce que la vie de Vergès donnerait matière à une dizaine de romans policiers: Résistance, engagement aux côté du FLN, puis des palestiniens, huit années de disparition (Cambodge ou Palestine?), puis un retour dans la lumière pour défendre dictateurs africains, terroristes d'extrême gauche et nazis. Ca fait beaucoup pour un seul homme!
A ce curriculum vitae s'ajoute l'ambivalence du bonhomme, qui a glissé de progressivement de causes héroïques, puis défendables, à des prises de position complétement condamnables. Le tout avec élégance et une forte dose de cynisme.
Toute l'habileté du metteur en scène est de s'effacer derrière son sujet, sans trop en faire. Mais sans complaisance non plus: en multipliant les entretiens ou images d'archives contredisant la version de Vergès avec a-propos, il nous donne à voir crûment les nombreuses hypocrisies et aspects abjects du personnage. Vergès garde toute sa force mais n'en sort pas grandi, et à travers lui, on se laisse entrainer dans une réflexion vertigineuse sur le terrorisme (c'est mal). Ou préférez-vous le terme de résistance (c'est bien)?
Superbe.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Yep, en attendant d'aller voir Harry Potter et Die Hard 4, moi aussi je me suis fait une séance "L'avocat de la terreur". Pas mal du tout. Je m'attendais à avoir plus d'éléments pour revoir mon jugement sur ce type, mais non finalement il me débecte toujours autant...
Manquait peut-être une analyse sur les motivations profondes du personnage pour compléter ces faits et témoignages.