jeudi, décembre 21, 2006

La coscienza di Zeno

Ma forte dépendance au Spiegel ne me laisse que quelques rares moments de liberté, à la faveur de vacances ou décès de mon facteur, pour entamer d'autres lectures. Je suis donc particulièrement rigoureux (voire chiant) sur mes choix de bouquins, et il a fallu tout l'enthousiasme d'Elena pour me convaincre de glisser en tête de ma précieuse liste de lectures La conscience de Zeno d'Italo Svevo.
Qui d'autre qu'une chargée de communication aguerrie aurait pu réussir le tour de force de vendre à un lecteur psycho-rigide un roman italien du début du siècle (en VO), précurseur de l'acceptation de la psychanalyse en Italie, porte-étendard de Schopenhauer et Freud, admiré par Joyce et Kafka? Voilà qui sentait furieusement l'ennui et l'antiquité, le total-respect-pour-ton-oeuvre-mais-là-tu-me-fais-chier-je-vais-plutôt-m'ouvrir-un-bon-polar.
Erreur! Ce roman est tout bonnement époustoufant. Je vous avoue que je n'ai probablement pas perçu tout l'intérêt littéraro-historique de cette oeuvre pour le Trieste sortant de la première guerre mondiale, mais j'ai par contre pris mon pied dans une narration furieusement ironique, égocentrique, cruelle et réjouissante.
Ca m'a fait un peu l'effet d'un Woody Allen acide, d'une comédie anglaise cynique parfaitement réussie. Le lecteur est plongé dans l'examen de conscience d'un gentil minable égocentrique, Zeno Cosino, malade imaginaire racontant sa vie à la faveur d'une psycho-analyse. Les grandes étapes en sont sa tentative avortée d'arrêter de fumer, la mort de son père, la conquête de sa femme, la vie avec son amante et la vie professionnelle. Chacune d'entre elle est un échec retentissant, raconté et analysé en toute innocence par leur minable auteur.
La beauté de la chose, c'est que le lecteur se prend d'affection par le blabla égocentrique et pas toujours trivial du narrateur, et que les coups de théâtre de comédie grinçante se trouvent magnifiés et par la surprise, et par les justifications décalées de l'auteur. Ce bourgeois très propre sur lui, toujours à se plaindre de la dureté du monde, fait plonger une infirmière dans l'alcool pour recommencer à fumer, se fait gifler par son père mourrant qui trépasse aussitôt, épouse celle des trois filles de son employeur qu'il n'aime pas après s'être fait rembarré par les deux autres, rate l'enterrement de son meilleur ami parce qu'il se plante de cortège, etc.
Grâce à ce comique très réussi, et à l'attachement qu'on éprouve pour ce looser fini, je n'ai pas pu lâcher ce bouquin, et ai très vite oublié qu'il était vieux d'un siècle. Voila une bonne idée pour se donner l'air original et cultivé (quoi, tu ne connais pas cet auteur triestino majeur? Mais c'est lui qui a vulgarisé la psychanalyse en Italie au début du siècle, voyons...) tout en profitant d'une excellente lecture (putain qu'il est con! Ah mais quel minable ce mec, trop fort!).

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