dimanche, août 26, 2007

Une furieuse odeur de vaseline


J'ai toujours été impressionné par les Spécialistes, les Experts économiques qui semblent tout comprendre des mécanismes du Marché (à ce sujet, je vous conseille cet excellent opus de là bas si j'y suis). Moi je n'y comprends rien, et je culpabilise comme une bête depuis qu'on m'a répété sans cesse que c'était typiquement français. Zut alors. J'ai honte, pour moi et pour mon pays rétrograde.

Alors évidemment je n'ai rien compris à la crise récente ayant secoué nos braves marchés. J'ai juste senti qu'on avait eu chaud, mais qu'heureusement on semblait sorti de l'auberge. Ouf.
Comme j'aimerais être un peu moins con la prochaine fois que notre existence sera menacée par un soubresaut économique engendré par une fragilité structurelle des emprunts immobiliers américains, j'ai essayé d'y voir plus clair, armé de mon Spiegel, de mon Courrier International et de mon Charlie Hebdo (où pour une fois oncle Bernard était clair).
Je vous soumets les bribes que mon petit esprit candide en a retenu. Pardonnez ma naïvité, je débute, mais je pense que la lecture de ce long post peut apporter quelques enseignements (nuancés, vous me connaissez).

  • Alors en fait, ne nous voilons pas la face, si on est passé à deux doigts d'une crise économique, c'est parce que le Marché a paniqué. Tout ce qui concerne les emprunts immobiliers américains, ce n'est que la petite étincelle qui a destabilisé les investisseurs: quand ils ont vu que (pour des raisons que je tente d'expliquer plus bas) la Réserve Fédérale baissait ses taux d'intérêt, ils ont eu peur, les petits loups.
Et comme tout l'art du spéculateur c'est de réagir comme tout le monde, avec si possible quelques secondes d'avance, ils ont voulu vendre leurs titres pour récupérer leur blé dare dare. (Et cet affolement a commencé en Asie, ce qui explique que nos "journalistes" économiques se focalisent pas mal sur cette région ces jours ci).
Voici donc la morale numéro 1: les traders, tout impressionnants qu'ils soient avec leurs costards et leur grande gueule, ne sont autre que des moutons de Panurge qui ont failli nous envoyer dans le mur, à partir d'un petit événement économique.
  • J'en viens au petit événement en question. L'extraordinnaire dynamisme consumériste américain qu'on nous vante encore et encore a un revers: les américains vivent à crédit. Quand tout va bien, ça roule, et ils peuvent effectivement faire tourner l'économie mondiale à plein régime en achetant des écrans plasma.
Mais quand ça va de travers, tout peut s'écrouler. Et nous devons notre frayeur récente à une jolie invention locale: le prêt revolving. Si j'ai bien compris, il s'agit d'une formule permettant des prêts à taux variables: ils restent honnêtes si tout va bien, mais sont réévalués à la hausse à chaque échéance non payée. Avec un effet de cercle vicieux qui crève nos petits yeux aveugles à la beauté de l'économie ultralibérale: si tu ne peux plus payer, ça devient beaucoup plus cher donc tu ne peux toujours pas rembourser.
Ce type de prêt a tout intérêt à être accordé à des mauvais payeurs, qui se retrouvent à rembourser des traites toujours plus exorbitantes. Ce qui permet de presser les plus pauvres comme des citrons, dirais-je benoîtement. Non, ce qui permet à tout un chacun de souscrire à des prêts, et d'accéder à la propriété, me rétorquera-t-on avec juste raison!
Moralité numéro 2: les pauvres, ça rapporte!
  • Seulement, je vous rassure, il n'y a que certains types de banques qui proposent ce type de prêt: les banques d'hypothèques. Les banques sérieuses, les banques françaises (ou suisses) notamment, ne s'abaisseraient jamais à ça. Non pas parce que c'est immoral, mais parce que c'est trop risqué!
Sauf que. Sauf que ça rapporte un max. Alors les banques respectables ont souvent, par l'intermédiaire d'une de leur filiale d'investissement, acheté des gros paquets de prêts revolving aux banques d'hypothèques. Pas assez pour les mettre en danger, d'autant plus que ces prêts risqués sont assurés par le patrimoine de l'emprunteur: le pauvre débiteur pourra toujours revendre la maison qu'il s'est acheté avec si il a trop besoin de thunes! D'autant plus que son prix ne cesse de monter, ad vitam eternam.
Moralité numéro 3: nos banques, même les plus classiques et respectées, jouent des jeux dangereux avec nos sous. (Notez qu'on en profite en partie à travers les intérêts qu'ils nous reverssent)
  • Sauf que, évidemment, tout cela est bien instable. Le marché de l'immobilier américain a fléchi, empéchant une partie des pauvres débiteurs en faillite de rembourser leur dette (extravagante) en vendant leur maison. Les banques d'hypothèques ont donc eu des difficultés, et avec elles, dans une moindre mesure, toutes les banques classiques partenaires.
Cet effet a bien sûr été amplifié par les spéculateurs sus-cités, qui se sont mis à retirer leurs parts dans ces banques vite fait bien fait.
Mais c'est plus facile à dire qu'à faire. Les banques institutionnelles n'ont en effet pas assez de cash pour rembourser tous leurs clients à un instant donné puisqu'une bonne partie du fric qu'on leur confie est placé pour faire des petits (et est donc inaccessible pendant un temps).
Ce sont alors les gentilles banques centrales (celles des Etats) qui libérent les liquidités dont banquiers et spéculateurs ont besoin! Autrement dit, elles mettent à disposition des banques institutionnelles du cash immédiatement disponible, à bas taux d'intérêt, afin que celles-ci puissent prestement rembourser les moutons de Panurge. Et que la crise en reste là.
(Effet de bord: cette mise à disposition de liquidités peut inquiéter plus encore nos braves moutons de Panurge, qui peuvent vite fait faire péter l'économie mondiale en cherchant à récupérer tout leur fric au plus vite.)
Voici donc une jolie moralité numéro 4: à la fin, ce sont les Etats (tant décriés), qui limitent les dégats commis par les banques, en leur permettant de rembourser les spéculateurs. Avec nos impots!

Voila voila. Je ne sais pas si certaines choses m'ont échappé, mais c'est ainsi que j'ai compris la situation. Et je ne sais pas vous, mais ça me donne bien envie de continuer à faire l'effort de mieux comprendre comment l'Economie marche, ne serait-ce que pour comprendre l'étendue de l'arnaque.
Parce que, si je puis avancer une opinion personnelle, qui pourrait être la moralité numéro 5, je trouve qu'on est bien de la baise, à tous les niveaux.
Les spéculateurs font joujou avec notre société, et plus prosaïquement aussi avec notre fric, ils se font un blé fou quand tout va bien (et de notre côté nous devons nous contenter des molles retombées d'un taux de croissance un peu supérieur) et quand tout péte à cause de leurs conneries, c'est nous qui remboursons.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Bigre, quelle analyse ! A quand le prix Pulitzer ?

ZeVinci a dit…

Tremblez, méchants capitalistes, Dr Vinci va vous percer à jour!
Mr Jeff, avec nous, Mr Jeff, avec nous! Revends tes nombreuses parts dans tes hedge fonds, ferme les deux trois private equity que tu as créé et rejoins le combat!