samedi, octobre 04, 2008

De crisae economicam

Je ne peux pas dire que la crise financière actuelle m'ai surpris. Non pas que je l'ai prédite bien sûr, je n'entend rien à la mécanique subtile des produits financiers mise en jeu, comme tout le monde. Y compris les financiers eux-même d'ailleurs, comme il nous est apparu récemment.
Mais il ne fallait pas être grand clerc pour se douter que cette sphère super-active, qui avançait toujours plus vite et sans aucune règle dans son petit monde, allait finir par se manger un mur un de ces quatre. On ne roule pas à 100 à l'heure, tous feux éteints, dans la direction qui nous arrange le plus sans risquer l'accident, quand même.
Je ne suis pas surpris, mais deux points particuliers me semblent particulièrement intéressants.

Je suis d'abord stupéfait par le retournement complet de l'opinion - ou plus exactement de l'image de l'opinion publique qui nous est transmise par les médias et les politiques - sur le sujet. Il y a encore un an et demi, tout le monde semblait cautionner le système économique international. Les altermondialistes restaient une minorité folklorique, mais les gens sérieux s'entendaient à dire que le monde tel qu'il était fonctionnait finalement assez bien.
Certes, il semblait y avoir de l'abus parmi les golden boys de la finance, mais on ne le disait pas trop fort, étouffé par la honte de ne pas comprendre du tout comment fonctionnaient les choses dans cette petite bulle qui gouvernait le monde. Il fallait bien se rendre à l'évidence que c'étaient eux qui comprenaient comment tournait le monde, et pas nous. Il n'y a avait qu'à voir leur niveau de vie, et leur ton assuré quand ils s'exprimaient dans les médias.
Petite parenthèse: je ne croyais pas ça possible, mais je me prends à regretter amèrement le départ de Jean-Marc Sylvestre de France Inter. J'aurais bien aimé voir comment il analysait la situation... J'envisage de m'abonner à LCI pour le regarder se dépêtrer de ses contradictions. Fin de la parenthèse.
Et bien maintenant que les financiers se sont plantés, nous voila complètement désinhibés. Chacun peut dire ce qu'il pense sans arrière pensée. Et l'on découvre - surprise - que 90% de la population a le plus grand mépris pour ces charlots de traders, et ce depuis toujours. Une opinion qui était très minoritaire dans les médias, et assez peu représentée sur l'échiquier politique.
On pourrait d'ailleurs même se demander si la montée de l'extrême gauche aux élections ne serait pas qu'un vote protestataire idiot, mais si peut-être ces gens là sont sincères. Voire si les gens qui ont voté "non" à la Constitution Européenne n'étaient pas que des bourrins aveuglés par la colère et le mauvais vin. Passons.
Bref, pour résumer ce premier point, j'ai sincèrement été étonné de découvrir qu'une très large majorité de la population méprisait la finance, mais qu'ils n'osaient pas s'exprimer et étaient étouffés par un discours dominant complètement à l'opposé. Ca fait du bien de se sentir moins seul, à tel point que je dois avouer que cette crise me réjouis plus qu'elle me fait peur. (Si c'est pas malheureux, pour un père de famille...)

Le second point est plus anecdotique. Quoique.
Parmi les nouveaux mots dont on nous abreuve (titrisation, crédits pourris, prêt revolving, et tout ça), il y a un terme qui me frappe tout particulièrement. L'économie réelle.
La crise atteindra-t-elle l'économie réelle? Oh mais non, ma bonne dame, vous n'avez rien à craindre, le système français est solide. Jamais les crédits pourris ne rejailliront sur l'économie réelle, ah non alors.
L'économie réelle. Et on nous balance ça comme si c'était évident pour tout le monde. Comme si, depuis les décennies qu'on nous bassine avec le beauté, la puissance, la modernité de la finance, on nous avait clairement expliqué que c'était de l'économie virtuelle. Un joujou abstrait, qui a son importance mais qui quand même n'a pas la solidité de l'économie réelle.
Alors d'un côté je suis bien content d'apprendre que tout ce que nous créons à la sueur de notre front ne vive pas dans le même monde que les milliards manipulés en quelques secondes par les traders. Que le 50 000 milliards d'euros de création de richesse et service de part le monde l'an dernier ne soient pas comparables aux 500 000 milliards d'échanges financiers qui ont eu lieu. Bien content.
Mais je me demande. Il vaut mieux devoir 5000 dollars réels ou 20000 dollars virtuels? Qu'est-ce qui pèse plus lourd: 1 kilo d'euros réels ou 1 kilo d'euros virtuels? Non, dites moi, parce que j'ai bien l'impression que les financiers ils se sont payés des Ferrari réelles et des villas réelles, avec l'argent virtuel qu'ils avaient. Et cet argent virtuel, il l'ont pris sur les bénéfices des entreprises, qui elles créent de la valeur réelle?
Alors de deux choses l'une. Soit effectivement l'économie financière est virtuelle et il est bien dommage que ce soit elle qui ait gouverné nos économies, et par suite nos politiques et nos vies, depuis 20 ans. Soit l'argent virtuel est tout aussi réel que l'autre, et d'une on ferait bien de remettre à plat ce système, et deux on pourrait arrêter de se foutre de notre gueule.

Une très bonne émission d'arrêt sur images sur le sujet se trouve (Je ne sais pas si elle est accessible aux non abonnés). On y comprends bien des choses sur les raisons de la crise et sur son traitement médiatique. La question de savoir pourquoi elle est incarnée à la télé par des traders virés, plutôt que par les bien plus nombreux particuliers chassés de leur maison y est notamment soulevée.
Et puis je vous signale une analyse intéressante sur les dégats de la pensée positive (vous savez, le fait qu'en entreprise il faut toujours être positif, y croire, et jamais douter que les objectifs sont inatteignables). Je l'ai lu dans courrier international, mais il se trouve aussi ici. Et le lire sur boursorama.com, je trouve ça exquis!

3 commentaires:

Anonyme a dit…

100% d'accord avec ton point de vue. On reprend confiance en soi quelquepart. On a l'impression qu'on n'est pas si bête que ça de n'avoir jamais voulu tomber dans le panneau comme acheter des actions que c'était trop une bonne affaire! Néanmoins, la vigilance s'impose: Quant à la question: Que pensez-vous des patrons qui partent avec 1 parachute doré alors que leur "entreprise" va mal? La Boss Parisot répond:1) les patrons s'engagent à ne plus continuer (Ah oui, eux, on doit les croire sur parole alors que le petit épargnant va devoir se prostituer pour avoir un prêt. . .); 2) les patrons qui s'en sont mis plein les poches, ben y doivent pas être fiers quand ils se regardent dans une glace. Incroyable mais hélas véridiques ces propos au vrai journal de canal. Tout n'est donc pas gagné et si le petit peuple se réveille un peu, surtout qu'il ne se rendorme pas en rêvant au gros lot du loto ou en gratouillant moult tickets de morpion ou assimilés. C'est dingue le fric que les gens mettent là-dedans! Cramponnons-nous aussi en entendant les propos des expeeeerts qui vont justifier la privatisation de la Poste . . .

Anonyme a dit…

trés bonne émission 'ripsote' avec Eric woerth, besancenot et Hulot sur la cinquième à ce sujet hier soir (tard pour un père de famille mai indispensable pour le citoyen que tu es !)

Anonyme a dit…

Bien vu (comme toujours :) juste une petite remarque; les francais sont très conscients de l'importance de la crise et sont même prêts à tout faire pour "relancer la croissance": la preuve, il paraîtrait même que 67% d'entre eux sont prêts à travailler le dimanche !!! cf un sondage ifop qui tourne en ce moment...C'est pas beau ça ? Je me pose la question: où vont-ils les chercher les sondés du dimanche ? Parce que j'ai beau demander autour de moi je n'en connais aucun qui soit intéressé...sans doute des mauvaises fréquentations gauchistes (si cet adjectif a encore un sens aujourd'hui...)