mercredi, novembre 11, 2009

Quatre films, un seul prophète

Bien que je ne visite pas frénétiquement les salles obscures ces temps-ci, j'ai quand même réussi à m'arracher à mes devoirs paternels à quelques reprises ces derniers temps. Voici donc une petite chronique ciné qui sentira pas mal le réchauffé...

Une rapide exécution de Démineurs de Katheryn Bigelow. Enorme déception! Alors que j'aime d'ordinaire bien les films de la très sous estimée réalisatrice (notamment le formidable Strange Days), alors que le concept (filmer sur un faux rythme l'étrange quotidien des démineurs, perpétuellement confrontés à un danger invisible) était alléchant et la critique favorable, j'ai trouvé le film d'une bêtise sans nom. En deux mots: Comment avoir peur de terroristes qui n'ont jamais l'air de mettre de détonateurs dans leurs engins (ou alors qui laissent l'interrupteur de la bombe au rez-de-chaussé de leur immeuble quand ils habitent au dixième)?
Promesses et déception du film sont pour moi résumées en une scène. Les héros tombent dans un guet-apen en plein désert, et doivent attendre des heures sous un soleil de plomb en tenant en joue leurs ennemis, planqués dans une maison à un bon kilomètre de là. Sublime scène montrant un aspect insoupçonné de la guerre (se tenir immobile à des centaines de mètres de distance) en en rendant toute la tension dramatique, disent les critiques. Personnellement, je préfère me poiler longuement devant cet extraordinnaire concept du guet-apen tendu en plein désert, qui n'a l'air de choquer personne! Ils sont pointus les terroristes: "j'ai un plan qui déchire, on va se terrer dans une maison délabrée au milieu de rien et je suis sûr que d'ici deux-trois ans, un camion américain viendra s'arrêter juste là. On va les canarder, ça va être du velour!"
J'ajoute que le héros-taciturne-mais-qui-a-trop-la-classe-la-preuve-il-joue-au-foot-avec-un-gamin-du-cru mérite des baffes.
Bref. Venons-en aux choses dignes d'intérêt.


Mary & max est un film d'animation en pâte à modeler qui sort des chantiers battus, c'est le moins qu'on puisse dire. Jugez plutôt: il nous narre l'histoire d'une jeune Australienne, vilaine, complexée, et vivant dans une famille peu amène, qui écrit à un Américain tiré au hasard dans l'annuaire. Elle tombe sur un quadragénaire à la frontière de l'autisme, vivant seul dans un New-York déprimant. Nait une relation épistolaire décalée qui dure sur une décennie, sans que les deux héros ne se rencontrent jamais.
Cette étrange histoire a été filmée sur des années pour un budget minimal par un australien qui a pratiquement tout fait tout seul. On ne peut qu'être impressionné par la réussite graphique, par l'originalité de l'univers imaginé et par tout un tas de scénettes désopilantes d'humour noir.
Seulement voila, la distance est dure à tenir avec un sujet si ténu. Et je dois avouer que, passée une première dizaine de minutes enthousiasmante, et la plaisante demie-heure qui a suivi, je me suis essoufflé et j'ai dû me faire violence pour ne pas regarder ma montre.
J'ai heureusement pu me détendre en regardant les parents un peu naïfs, qui ont emmené leurs enfants voir le film sans trop lire le synopsis, se décomposer au rythme des blagues très noires qui emportent un certain nombre de personnages... "Papa, elle est vraiment morte la maman?"


On reste un peu dans le noir avec Rien de personnel. Son jeune réalisateur belge (c'est son premier long métrage) a su réunir la fine fleur du cinéma françophone autour d'une histoire qui taille des croupières à notre cher monde de l'entreprise. Denis Podalydès, Jean-Pierre Darroussin, Mélanie Doutey, Bouli Landers, Zabou Breitman, Pascal Gregory...
Outre la qualité de la distribution et l'acidité du propos, la réussite du film tient surtout à sa construction. La même soirée est racontée d'un premier point de vue, puis d'un second, avant que l'histoire complète ne nous soit montrée. On découvre donc progressivement toute l'habilité de la narration, sans toutefois que le procédé soit trop lourd (les deux premiers points de vue ne durent pas plus du tiers du film à eux deux).
Évidemment, il est dans ces conditions difficile de raconter précisément de quoi il en retourne sans largement faire perdre de son intérêt au film. Voila qui explique une bande annonce assez bancale. Le film vaut beaucoup mieux!


Enfin, mieux vaut tard que jamais, mon chouchou des deux mois derniers est sans contestation un prophète d'Audiard. Il nous y montre l'évolution d'une petite frappe en prison. Incarcérée pour on ne sait quelle raison, il finit par faire sa place dans la prison, pour y grandir encore et encore.
Voila par contre un film qui tient admirablement la distance. Pourtant, sur le papier, la chose parait risquée: 2h30 entre quatre murs (ou presque), à suivre un héros assez illisible et pas uniquement sympathique, et vous allez me dire que ça vous passionne sans temps mort du début à la fin?
Oui, sans discussion possible. Ce monsieur Audiard a vraiment la classe pour ce qui est de narrer une histoire complexe sans jamais relâcher la tension, et en plus pour dénicher l'acteur, jusqu'alors inconnu, qui incarnera sans fléchir son héros en étant à l'écran 90% du temps.
Du grand cinéma, qui laisse quelques images fortes dans la tête pour très longtemps.

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