vendredi, mai 08, 2009

Nul n'est parfait


La recherche médicale permet entre autre de toucher du doigt le quotidien clinique des hopitaux. Les infirmières débutantes sont à l'écoute des plus expérimentées, qui cohabitent avec des techniciens, tous aux ordres des jeunes médecins, qui eux-mêmes font place nette dès que le chef de service fait son entrée. Au bout du compte, et plus encore quand ledit chef de service est une pointure reconnue, tout le monde - infirmières, techniciens, médecins, industriels de la pharmacie ou de l'industrie médicale - tourne autour d'une seule et même personne dont les paroles ont valeur d'évangile. Tout le monde lui court après pour voir son avis, sik bien qu'il doit être bien difficile de garder les pieds sur terre dans ces conditions.

Après une journée à discuter avec un de ces grands pontes, et à assister à certaines ses (impressionnantes) interventions, nous sommes allés au restaurant avec lui et certains membres de son équipe, tous tremblants de l'honneur qui nous était ainsi réservé. Bon connaisseur des lieux (pas bêtes, on l'invite évidemment dans un resto qu'il connait et apprécie), il choisit le vin sans même consulter la carte. Il en connait les yeux fermés le cépage, l'origine, et nous débite ces informations avec l'assurance qui accompagnait ses analyses pointues sur divers sujets de recherche clinique. Woaw. Ce vin doit valoir son pesant de cacahouettes.
Nous sommes si coi devant un choix qui semble si renseigné et si solide que nous ne remarquons pas deux détails qui ont évidemment une importance fondamentale. 1- Le vin en question vient d'Afrique du Sud 2- Le bouchon est en métal et se dévisse.

A l'énoncé de ces indices, j'aurais bien évidemment dû avancer prudemment. Mais le toubib, servi le premier, conclut sa dégustation d'une très légère moue approbatrice. Un signe d'approbation plus net ayant fissuré son autorité, je devine qu'il est au comble du bonheur et que le vin dépasse toutes ces attentes.
Servi à mon tour, je le goute. Une horreur. C'eût même été moins pire s'il avait été bouchonné (impossible pour cause de bouchon en métal), ou même s'il n'avait pas correspondu à mon goût.
Là, c'était tout simplement l'incarnation du vin blanc apprécié du mec qui ne sait pas ce que c'est que le vin. Une chose moelleuse à outrance, balançant sans aucune nuance des arômes si banals qu'on trouve plus de richesse dans un soda. Un truc que tu appréhendes si facilement, si immédiatement, si pauvre, si bête, qu'on ne peut pas laisser le bénéfice du doute au type qui l'a choisit. Il n'a pas de goûts différents en matière de vin, ni même mauvais goût; il n'a tout simplement pas de goût. Il ne peut pas prendre de Coca en sembalble compagnie, alors il opte pour ce qu'il y a de plus approchant.

Pour vous dire, c'était si mauvais que j'ai fini mon verre et terminé à l'eau. Je vous rassure, personne n'a pipé mot, tout le monde est resté bien civil. Renseignements pris cependant, tous les français présents à la table partagent mon analyse, même s'ils ont tous comme moi terminé leur verre sans rien laisser paraitre.
C'est triste pour le toubib car si ça se trouve il s'est mis au vin sur le tard, mais il est tellement accoutumé à n'être accompagné que de vassaux qui le regardent respectueusement que personne ne lui a jamais fait goûter une vraie bouteille!
Ah la dramatique solitude du ponte sur son Olympe...

2 commentaires:

Saint Bernadette a dit…

Une seule chose pourrait peut-être lui arriver: tomber amoureux d'une infirmière (forcément) qui s'interesse à l'oenologie (suite à une vie antérieure ). La chair étant faible, même chez les mandarins, et l'amour faisant des miracles, des fois , y'a une ouverture possible . . .

Luigi a dit…

Comme quoi, on ne peut pas être bon partout. Mais vous auriez pu l'éclairer le pauvre homme.
Je note avec plaisir que tu parles bien du vin!