dimanche, mars 15, 2009

Nouvelle rubrique


A l'occasion de la sortie du film Watchmen, j'ai comblé ma honteuse lacune en lisant la BD dont il est tiré. Ce faisant, et malgré l'immense qualité du bouquin, je me suis bien gaussé du terme pompeux de "roman graphique" que nombre de fans préfèrent utiliser à son endroit en lieu et place du banal BD.
Je les comprends quelque part, tant il est vexant de voir certaines œuvres fortes n'ayant rien à envier aux meilleurs des romans être pris pour de bêtes distractions de gosses (l'exemple-type étant évidemment le Maus de Spiegelman). Mais blague autour de ce "roman graphique" mis à part, j'ai réalisé que je vous parlais extrêmement rarement de mes lectures graphiques sur le blog.
Ce post va quelque peu rattraper cette tendance en vous décrivant mes dernières découvertes. Mais je vous réserve aussi un billet futur consacré à quelques BDs un peu plus anciennes qui sont passées au travers de mailles du filet du blog.

Commençons avec Marzi, BD narrant l'enfance d'une polonaise alors que la domination communiste touche à sa fin. Le bouquin est charmant, de part son dessin mangakesque et sa juste observation de l'enfance. Mais on voit bien qu'il s'adresse à un public d'enfants (la BD est publiée dans le journal de Spirou) et si il est certainement des plus justes pour ce qui les concerne (leur ouvrant les yeux sur d'autres enfances), j'aurais aimé plus de noirceur à l'occasion, et que la description du quotidien dans cette dictature soit plus qu'une toile de fond.

Dans le registre noir et beau, je suis servi avec Au revoir Monsieur. D'un trait sec, on nous y narre avec efficacité le déroulement d'un drame dont un enfant est témoin. Le dessin plante parfaitement le décor d'une rude campagne provençale au moment des vendanges, quelque part autour des années 50. Un monde difficile et étouffant, parfait pour une histoire malsaine où le silence règne en maitre.

Venons en aux fameux Watchmen. Je connaissais déjà bien la réputation du scénariste à moitié taré Alan Moore, à qui je devais déjà les frissons du superbe V comme Vendetta, et un From Hell sans compromis. Mais j'étais passé à côté de ce qui semble être, selon les connaisseurs, son œuvre maitresse.
En douze épisodes parfaitement découpés, il nous plonge dans une Amérique contemporaine de la BD (la moitié des années 80) dans laquelle les super-héros existeraient vraiment. Utilisés par le gouvernement, ils matent l'insécurité dans une ambiance bien réactionnaire, permettent la victoire des boys au Vietnam et bloquent le Watergate, ce qui vaut à Nixon d'entamer son cinquième mandat. Seulement, la mécanique se dérègle quand un des super-héros à la retraite se fait assassiner...
Cette BD est effectivement une œuvre d'une grande profondeur. La toile de fond est sacrément travaillée, les personnages sont fouillés et très humains (un épisode est consacré à chacun d'entre eux), et le scénariste s'autorise l'utilisation de moults symboles et clins d'oeils artistico-philosophiques (dont la plupart ont d'ailleurs dû m'échapper).
Tout au plus pourrait-on reprocher à cette BD ses couleurs criardes et son dessin plan-plan, mais ces défauts - dus au fait que les auteurs ont repris les codes des "vraies" BD de super-héros - sont effacés par la maitrise du découpage et des parallèles assez brillants entre les différentes vignettes.
Voila donc une longue BD qui mérite sa réputation - voire, pourquoi pas, le titre de roman graphique. Je me permets cependant de vous prodiguer deux conseils. 1- Essayez de ne pas vous avaler toute la BD en un week-end, comme je l'ai fait. On perd la saveur des épisodes intermédiaires tant on a envie de connaitre la fin. Et 2-, n'attaquez pas le dernier épisode un soir pluvieux de déprime...

Et enfin, l'album que j'ai préféré de cette pourtant excellente moisson est Lulu femme nue de Davodeau. Pour ceux qui ne le connaissent pas, Etienne Davodeau est un auteur de BD atypique en ce qu'il raconte des histoires peu spectaculaires de "vrais gens". Sa grande spécialité pour ce que je connaissais de lui jusque là, c'était le documentaire (Rural! sur des agriculteurs bio luttant contre une construction d'autoroute, Mauvaises gens sur la vie de ses parents dans un village angevin).
Il raconte dans Lulu l'histoire d'une quadragénaire, mariée et avec trois enfants, qui plaque tout pendant quelques jours lors de sa crise de la quarantaine. Comme d'habitude chez Davodeau, c'est peu spectaculaire mais d'une justesse et d'une humanité époustouflante. J'attends avec grand impatience le tome 2, dont il nous narre la création sur son blog.

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