samedi, mai 17, 2008

Ils sont forts ces Allemands

Le Spiegel poursuit cette semaine sa série de dossiers consacrés à la démocratie, en se focalisant sur son recul dans l'opinion des Allemands. L'article contient pléthores de sondages déprimants (genre 25% des Allemands s'estiment insatisfaits du fonctionnement de la démocratie en Allemagne), moultes éclairages intéressants (basés sur des entretiens dans divers villages perdus d'Allemagne de l'Est), et avance pas mal d'explications édifiantes sur le pourquoi du recul de la politique dans l'opinion des gens.
La dernière d'entre elles me semble des plus dignes d'intérêt. Je me hasarde à une traduction du passage correspondant pour les quelques rares lecteurs du blog dont les connaissances dans la langue de Goethe sont quelque peu rouillées.

Le Spiegel rapporte les propos de la présidente de l'institut pour la Demoskopie Allensbach, la douce Renate Köcher (qu'on ne présente plus).
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Lors du long entretien qu'elle nous accorde, elle cite diverses menaces pour la popularité de la démocratie - l'Union Européenne, les décisions prises au profit de la sécurité et au détriment de la liberté - mais tout cela ne l'inquiète pas outre mesure. Ce qu'elle craint avant tout, ce sont les gens qui ne tirent leurs informations que de la télévision.
" La télévision a du mal à faire passer des messages complexes et abstraits. Elle a besoin de cas particuliers, de situations, d'individus en particulier." Ceux qui ne s'informent que par le biais de la télé perdent la vision d'ensemble, le sens des perspectives et de la complexité de la démocratie. "On est incapable de raisonnements abstraits en terme de groupes ou de catégories. On préfère former des jugements parcellaires sur la base de cas particuliers."
C'est la lecture permet de corriger ce travers d'après Renate Köcher, mais c'est là qu'elle en vient à un constat qu'elle trouve dramatique. Au début des années 90, plus de 50% des Allemands ayant entre 14 et 29 ans lisaient un quotidien. Ils ne sont même plus 30% à le faire désormais. Et les habitudes de lectures changent très peu au cours d'une vie. Celui qui ne lit pas de journaux à 20 ans n'en lit pas non plus à 50. Et on ne peut pas se consoler avec le fait que les jeunes migrent vers les journaux sur internet. Ce sont en effet essentiellement les lecteurs de journaux papier qui fréquentent les sites parlant de politique.
Qu'est-ce que cela implique pour la démocratie? "La capacité de jugement de la société diminue". On peut en imaginer les conséquences: "une plus grande propension à être manipulé par une sélection ciblée des faits divers, une dictature de l'émotion basée sur des cycles d'indignation". En d'autres termes, la société devient plus sensible aux populistes de tout bord, et souhaite que ce qui est populaire soit imposé sans passer par de lents et compliqués processus démocratiques.
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Sur un thème voisin, j'ai beaucoup apprécié une chronique de la deuxième heure d'Eclectik sur France Inter. Elle portait sur le "droit de ne pas être informé" dans le cas particulier de l'affaire Fourniret, dont les médias se complaisent à rapporter tout le sordide quotidiennement.
J'aurais aimé écrire sur le blog cette chronique, qui se trouve au début de la deuxième heure de l'émission. Et si vous avez la flemme de le rechercher, vous pouvez aussi écouter l'intéressante interview de Denis Robert.

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