vendredi, août 06, 2010

Brillez avec vos BDs de plage!


Malgré mes grognements de gauchistes scandalisés, les prix de l'immobilier n'ont pas atteint un niveau suffisant pour m'empêcher d'acheter quelques jolies BDs de ci de là. Et c'est tant mieux car j'ai eu la main particulièrement heureuse dernièrement. (et pis d'ailleurs, c'est trop tard pour se faire dispenser d'impôts...)

Je commence par Résidence Dokudami de Takashi Fukutami, manga (l'avez-vous deviné?) renommé de manière plus prononçable par l'habile maison d'édition en le vagabond de Tokyo. On y suit la vie dissolue de Yoshio Hori, glandeur misérable qui traine sa naïveté et son insatiable appétit sexuel dans les rues de Tokyo.
La série doit son succès pour grande partie au fait que l'auteur n'a évité aucune humiliation à son jeune héros, ne se gênant pas pour les mettre en scène les sévices subis (essentiellement sexuels) dans toute leur crudité. Si j'aurais aimé en quelques rares occurrences un tout petit peu d'implicite, je dois avouer que cette artillerie lourde d'humour gaulois m'a très souvent fait exploser de rire.
En deuxième analyse, cette sélection d'une petite dizaine des quelques 600 épisodes des aventures de Hori est troublante par le fait qu'elle présente de fortes similarités avec la vie de son auteur. Alcoolique invétéré, personnalité entière ayant plaqué sa famille paysanne à 15 ans pour aller zoner, sans ressource, pendant plus de 10 ans à Tokyo, Fukutami a été incapable de trouver la paix une fois le succès rencontré. Pressuré par sa maison d'édition le poussant - comme tous les mangakas - à produire à un rythme effréné, il a consacré à la bouteille les nuits blanches qu'il ne passait pas à boucler ses épisodes, jusqu'à mourir à à peine 50 ans.

Dans un tout autre style, je vous conseille le premier tome de HP, l'asile d'aliéné, de Lisa Mandel. Divertie toute gamine par les histoires de ses parents et de leurs collègues sur leur quotidien d'infirmiers dans un hôpital psychiatrique, Mandel a vite découvert que leur travail était loin de n'être composé que d'anecdotes pittoresques et amusantes.
Après les avoir longuement interviewés, elle a porté leurs témoignages en différentes BDs découpées en de courts épisodes. Le premier album a paru l'année dernière et porte sur les années 60, époque lointaine où l'on ne nourrissait aucune ambition de guérison ou d'éducation pour les patients. On y découvre donc un quotidien dur (quoiqu'infiniment plus calme, parait-il, que la décennie précédente où aucun médicament ne permettait d'abrutir les patients), mais adouci par un dessin tout en rondeur et des envolées absurdes qui rendent la lecture non seulement passionnante, mais aussi très plaisante.

Et enfin, je me suis lancé avec bonheur dans le cycle des quatre albums de Lupus, de Frederik Peeters. Déjà retourné par les pilules bleues, j'ai enchainé sur cette série très différente puisqu'à l'autobiographie sur la vie de couple avec une séropositive succède une histoire de science fiction planante. Deux copains d'enfance, la bonne vingtaine, s'offrent une virée de planète en planète où, sous couvert de parties de pêche, ils cherchent surtout à s'abandonner dans les drogues locales. Ce voyage, moins festif que prévu au demeurant, va changer complètement de tonalité quand une jeune fille rêveuse va se joindre à eux.
Il est d'ailleurs un peu vain de chercher à résumer l'intrigue, puisque l'essentiel est de laisser place au dépaysement, à la rêverie et à l'introspection. Ne fuyez pas tout de suite! Loin d'être un album-concept éthéré, Lupus m'a accroché dès les premières pages grâce à ses personnages mystérieux mais attachants, son histoire principale intriguante, et grâce à l'originalité des mondes visités (le prix de l'inventivité au deuxième album d'ailleurs!)
Mais surtout, surtout, c'est son dessin qui est ahurissant. Un noir et blanc crayonné super-élégant, au diapason de la rêverie ambiante, et un sens du cadrage s'autorisant avec bonheur les zooms et changements de perspective les plus fous.
Magnifique, accrocheur et pas con. Le panard.

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