dimanche, août 29, 2010

Cinéma à infusion lente

Il y a deux raisons au fait que je ne vous ai pas tenu informé de mes dernières sorties cinématographiques depuis 4 mois. D'abord, je dois avouer que les vacances et la coupe du monde ont quelque peu ralenti ma fréquentation des salles. Et ensuite, je n'ai vraiment été emballé que par un seul des cinq films dont il va être question par la suite, et c'est le plus ancien.

Sans plus attendre, je m'en vais donc chaudement vous recommander une œuvre qui doit avoir disparu de vos salles provinciales depuis une éternité: Mammuth. Heureusement, ma lenteur à vous communiquer mon enthousiasme n'a pas trop nuit au film, qui dépasse les 800 000 entrées France pour un budget tout riquiqui.
En deux mots pour les malheureux qui sont passés à côté de l'événement, Depardieu y campe un jeune retraité de l'équarissage qui retrouve une flamme pour le moins éteinte à la faveur d'un road-movie en France profonde qui le lance sur les traces de vieilles fiches de paie.
Les réalisateurs Kervern/Délépine font honneur d'une part aux qualités d'engagement social grinçant mais sincère dont ils sont coutumiers, et d'autre part à leur sens des scènettes glauques mais touchantes qu'il est plus concis de qualifier de "grolandaises pur jus". Je suis resté plus imperméable aux envolées poético-philosophiques nous valent l'apparition d'Adjani, mais le reproche est mineur et le film est resté un régal sans le moindre bémol..

Ce n'est donc pas le cas de mes autres sorties dans les salles obscures. Si je n'ai jamais pour autant regretté ma place, je ne peux pas dire que rater certains de ces films aurait été une grande perte.

Commençons par le plus simple à chroniquer: Copacabana. Cette gentille comédie est portée par Isabelle Hupert, très bien dans le contre-emploi d'une mère excentrique qui tombe des nues quand sa fille ne l'invite pas à son mariage, afin qu'elle ne lui fasse pas honte. Pour la convaincre de son sérieux, elle est bien décidée à garder un travail impossible de vendeuse immobilière à Ostende.
Et bien tout cela est bien mené et fort sympathique. Il ne s'agit pas là d'une comédie rythmée invitant à la rigolade toutes les trente secondes, mais plutôt d'une chose légère qui nous fait quitter la séance optimiste. La mission divertissement est donc accomplie, mais cela ne va pas non plus plus loin. Le film, sans grande ambition ni génie particulier, s'oublie rapidement.
Cela dit, j'avais bien besoin de me détendre un peu car les autres films étaient plus pesants.

Enivré par des critiques très positives dans mes deux médias critiques de référence (Télérama et le masque et la plume), j'ai osé l'énorme prise de risque: Policier, adjectif. Quel risque? Et bien, il s'agit d'un petit fillm roumain, sans le sou, qui s'intéresse aux vicissitudes d'un petit flic de quartier. Alerte rouge pour le spectateur non cinéphile spécialisé.
De fait, j'ai dû être trop ambitieux. Le film est intéressant, certes, et même parfois brillant. J'ai été subjugué par la qualité des dialogues, qui n'ont rien à envier par leur originalité et leur cruauté aux meilleurs de Tarantino. Mais ils brillent d'autant plus qu'ils sont rares (à part lors de la longue scène finale).
En attendant, il faut se palucher de longues scènes de filature d'un possible petit dealeur. Le héros à beau être attachant, et l'ennui des filatures a beau être au cœur du propos du film, qu'il est chiant de se taper dix minutes à regarder le flic en planque, dans une banlieue glauque, alors qu'il ne se passe rien!
Le film est bien construit (sa fin lui donne une cohérence bien cruelle), et le réalisateur a su porter son projet avec beaucoup de talent pour compenser un budget visiblement dérisoire. Mais le résultat reste malgré tout bien aride pour le béotien que je suis.

Comme je ne suis pas homme à abandonner si facilement (pas plus que je suis homme à comprendre du premier coup), je me suis laissé convaincre par une critique enthousiaste d'aller voir un autre film qui aurait pourtant dû mettre en branle toutes mes alarmes à guet-apen: The killer inside me.
On y colle aux basques, de la première à la dernière image, d'un shérif assistant bien sous tout rapport dans une Amériques proprette des années 50. Seulement, ce personnage lisse prend par hasard goût à la violence, ce qui va l'amener rapidement à occire sans la moindre raison divers personnages croisant son chemin, avec une prédilection pour les femmes qui l'aiment.
L'accroche plante un décor joyeux qui ne sera pas démenti par le film. Le réalisateur fait en effet le choix controversé de nous montrer les meurtres dans toute leur violence (et le shérif n'est pas adapte de la balle dans la tempe propre et rapide. C'est beaucoup plus drôle à coups de poings). D'où une gène (c'est le moins qu'on puisse dire) qui d'un côté vire au voyeurisme malsain, mais de l'autre sert le propos du film.
Le protagoniste central est un monstre dont la cruauté est montrée par le détail. Mais par ailleurs, l'acteur qui le campe et si illisible et fascinant que ces contrepoints violents construisent un personnage monstrueux à la fois attirant et absolument haïssable.
Plus d'une semaine après l'avoir vu, je ne sais toujours pas dire si j'ai aimé ce film fascinant, ou si je le rejette sans appel pour ses scènes à la limite du montrable.

J'en viens à ma sortie la plus récente: Cleveland contre Wall Street. Il s'agit de cet objet hybride, ni complétement documentaire ni fiction, où le réalisateur a monté le procès fictif de la ville de Cleveland contre Wall Street, accusée d'être coupable de la crise qui frappe la ville suite à l'effondrement des subprimes. Le procès est fictif car les excellents avocats de Wall Street débusquent sans cesse de nouvelles raisons de l'ajourner, de sorte qu'il est de moins en moins probable qu'il ait vraiment lieu. En désespoir de cause, un autre procès a donc eu lieu, sans valeur légale mais en mettant en scène les vrais protagonistes devant de vrais jurés.
Le film essaye, comme le procès, d'être objectif. La parole est donnée à la défense (Wall-Street) comme au procureur, de sorte que les "méchants" peuvent nous donner leur point de vue également. Cela dit, les témoins présentés dans le film, comme les témoignages filmés fors du procès, penchent nettement du côté des victimes de la crise (ce qui ne me dérange pas outre mesure, puisque ça me semble refléter la réalité).
Les projet du procès et du film sont donc louables, et la succession des témoignages intéresse et touche. Mais je ne suis pas les critiques qui déclarent unanimement avoir compris plus de choses sur la crise pendant les 90 minutes du film que pendant l'année et demie qui a précédé.
Dans le fond, je n'ai rien appris lors de la projection. Depuis le temps que les journaux détaillent le phénomène des subprimes, je savais bien qu'on refourguait à des pauvres faciles à baratiner des prêts impayables. Qu'on élaborait des produits supposés plus sûrs (mais dont on oubliait la dangerosité) en regroupant ces prêts en gros paquets, vendus et revendus à un rythme effréné. Et je savais bien que la défense des boursicoteurs et de dire qu'ils n'ont rien fait de mal, mais simplement que leur outil a été mal utilisé.
Reste donc un film sympathique, présentant quelques figures attachantes (mais, là aussi, j'en ai croisé des dizaines au gré des dossiers du Spiegel), mais qui m'a plus instruit sur l'étonnant système judiciaire américain (avec des jurys tout puissants qui regroupent bien souvent des têtes de bois auxquels le fond des débats échappe complétement) que sur les entrailles des produits financiers en accusation.

2 commentaires:

une fan très objective a dit…

Géniales ces critiques ciné !
continue, mon héro.
bisous

dasola a dit…

Bonjour, et bien Mammuth est le film que j'ai le moins aimé des 5. J'avais préféré Louise Michel. Le film démarre bien et puis après l'histoire part un peu dans le n'importe. On perd la ligne conductrice. Mais Depardieu est très bien.
Copacabana vaut I. Huppert.
Policier Adjectif: je ne l'ai pas du tout trouvé aride, bien au contraire. J'aimerais trouvé le texte du scénario pour relire des passages.
Bonne soirée.