dimanche, avril 18, 2010

Grosse livraison

Cela fait un sacré bail que vous n'avez pas eu la chronique cinéma dont vous êtes si friands. Je profite de quelques jours des célibat, période qui risque d'ailleurs de croître si les cendres islandaises continuent de retenir mon fils et ma femme loin de moi, pour déverser la dense série de critiques des films que j'ai vu ces trois derniers mois.


Je passe rapidement sur In the air, la comédie qui met en scène Clooney en licencieur à gage, en permanence entre deux avions pour pratiquer son beau métier. Le film est partagé en scènes succulentes de politiquement incorrect (autour des licenciements ou des vertus de la vie de manager sans attache) et la guimauve la plus dégoulinante quand Clooney tombe amoureux, ou se voit contraint de plaider les vertus de l'engagement devant un beau-frère réticent. Dommage que le réalisateur n'ait pas choisit plus courageusement son camp.
Venons-en à la révélation, film au pédigree des plus suspects. Il s'agit d'un thriller allemand qui se passe dans les arcanes du tribunal international de la Haye. Une procureur a une semaine pour convaincre une témoin réticente de se rendre au tribunal afin de confondre un général serbe criminel. Contre toute attente, le film est sacrément accrocheur, bien mené, et instructif sur le fonctionnement d'un tribunal qui s'avère souvent guidé par de bien pragmatiques arrières pensées politiques. Il est en outre sacrément bien joué par les deux actrices principales, quasiment de tous les plans. Une belle réussite donc, même si un des ressorts dramatiques m'a quelque peu échappé. Y a t-il un volontaire pour aller le voir afin de m'expliquer ce que je n'ai pas compris?
Les teutons font décidément une entrée remarquée dans cette salve de critique, car je pense également le plus grand bien de Soul Kitchen. Entre deux drames magnifiques, le réalisateur germano-turc Fatih Akin a pris le temps de tourner cette étonnante comédie entre copains, autour d'un héros entouré de bras cassés qui cherche à relancer son restaurant minable. C'est généreux, frais, bringuebalant mais riche d'inénarrables péripéties. Une comédie fofolle à la joie de vivre communicative.


J'ai aussi été impressionné par la maitrise du dernier Polanski, Ghost writer. Sans tape à l'oeil, il met toute sa classe au service d'un scénario diablement bien troussé: un jeune écrivain est recruté pour achever la rédaction des mémoires de l'ancien premier ministre anglais, au cœur d'une tourmente médiatique suite à sa conduite de la guerre d'Irak. Le nègre découvre des choses intrigantes, le tout dans une atmosphère d'enfermement typiquement polanskienne.
J'ai vraiment apprécié la sobriété de la mise en scène, discrète mais scotchant le spectateur alors que l'implacable intrigue se déroule. Tout au plus ai je regretté les deux dernières secondes du film, un peu too much, mais qui sont loin de ternir l'impression de classe émanant du film.


Par ailleurs, je sors de la projection des Arrivants, documentaire sur un centre d'accueil d'immigrés. Des assistantes sociales et des traducteurs dévoués, plus ou moins patients, cherchent à guider les nouveaux arrivants dans les démarches administratives tout en leur assurant un minimum de support matériel. C'est un film fin, gonflé d'humanité, loin d'être démonstratif, qui nous dévoile le destin d'immigrés complétement paumés dans ce nouvel environnement, supportés tant bien que mal par des assistantes à la marge de manœuvre réduite.
Preuve de la légèreté formelle du docu: le réalisateur n'hésite pas à intercaler à l'occasion une respiration comique entre deux scènes touchantes ou tendues, telle cette longue lutte d'un agent d'accueil amusé cherchant à établir la nationalité de son interlocuteur.


Mais le film qui domine cette moisson d'une qualité pourtant tout à fait respectable est à mon sens la merditude des choses. Il s'agit du film flamand qui retrace quelques années d'une enfance plongée dans une famille soudée mais déglinguée. Le gamin y est épaulé par trois oncles perpétuellement imbibés, dont la stupidité confondante est seulement surpassée par l'incroyable générosité, et un père au cœur gros comme ça quand il n'est pas pris de crises de colère destructrice, alcool et vie de merde oblige.
C'est donc une plongée dans le quotidien foutraque et parfois tragique d'un précariat à la Groland. Mais ce que j'ai particulièrement apprécié, c'est que le film ne se réduit pas à de joyeuses scènes de beuveries régressives (même si elles sont sacrément plaisantes). Des bouffées d'émotions illuminent aussi ces tableaux qui échappent à la caricature. Les personnages s'y révèlent souvent stupides, parfois d'une méchanceté inexcusable, mais aussi d'une humanité qui sonne sacrément juste.

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