mardi, mai 18, 2010

L'ile de la frustration

L'offre avait l'air parfaitement alléchante.
Une semaine dans un petit paradis gersois, tous frais payé (ou plutôt si bon marché que c'était tout comme). Une semaine de détente dans une riante campagne dont nous pourrions profiter depuis une superbe demeure, ferme réhabilitée avec goût dans le confort le plus moderne. Immense terrain. Jolie piscine. Court de tennis à disposition. Terrasse à apéro et barbecue. Une retraite idéale pour se mettre au vert.
Et comme si cela ne suffisait pas, nous pouvions y aller avec tous nos potes, et nous régaler de toutes les variétés immaginables de canard: magret, confit, cassoulet, cœurs grillés, salade de gésier, pâtes aux aiguillettes, sans oublier le mythique hachis de canard. Le tout généreusement arrosé de vin du cru, et d'Armagnac comme il se doit. Quand le festif rejoint le reposant!

Nous aurions dû lire les petites lignes. Car nous nous sommes rendus sur... l'ile de la frustration!

Cette semaine nous était en effet offerte sous une condition: que nous nous y rendions en compagnie de notre charmant bambin, dont vous connaissez la vivacité, la gentillesse et la joie de vivre. Seulement, il était de mèche avec la production et nous a sorti une semaine d'opposition à l'autorité d'anthologie!
Stupéfiant par sa capacité à ignorer parfaitement nos injonctions pourtant répétées à des niveaux sonores croissants, il nous a contraint à nous arracher quelques centaines de fois à de mythiques apéros ou de riches discussions en terrasse pour imposer physiquement nos légitimes contraintes (qui pour nombre d'entre elles, visaient à l'empêcher de commettre diverses formes de suicide).
Cela ne suffisait d'ailleurs souvent pas à arrêter notre insurgé. Faisant fi d'une différence de taille qui eût pourtant dû inciter à la prudence tout animal un tant soit peu soucieux de sa survie, il passait régulièrement outre l'interdit à la seconde où nous le lâchions, en nous regardant droit dans les yeux de préférence.
Mis au coin pour le compte, il s'enhardissait occasionnellement à profiter du premier instant de liberté pour rééditer sa bêtise, ou à nous rouer de coups de ses petits bras tournoyants.
Étouffé par la frustration, j'ai maintes fois, prostré, frôlé la folie criminelle.

Évidemment, nous étions conscients qu'il ne fallait par reculer d'un pouce pour que le rebelle comprenne la sottise de sa systématique opposition. Il nous a cependant pas été facile de nous plier à cette stratégie sans nourrir quelque rancœur, injuste pour un petit bonhomme suivant son évolution normale, mais terriblement compréhensible du point de vue du parent ignoré, insulté et tabassé.
Et ce d'autant que le mécanisme de l'île de la frustration est d'une implacable efficacité. En effet, le petit syndicaliste féroce répète ses revendications nihilistes à rythme très soutenu, ce qui empoisonne rapidement le quotidien de jeunes parents pourtant partis pour une semaine de repos. En outre (et c'est un principe également appliqué dans de plus illustres émissions de télé-réalité), nous étions dans un état d'épuisement absolu scientifiquement construit.
Pour commencer, l'enragé miniature mettait un point d'honneur à nous tirer du lit tous les matins entre 6h et 6h30. Comme les soirées entre copain, même écourtées, se terminaient au plus tôt à minuit, notre déficit de sommeil atteignait des profondeurs abyssales. Mais en plus, notre régime gersois nous plongeait dans un étouffant état de somnolence dont il était très difficile de se tirer pour imposer notre loi pour la 272ème fois de la journée. Et enfin, les apéros creusaient encore plus avant une doucereuse indolence qui eût été douce si elle n'eût pas été interrompue à un rythme frénétique par le rambo des bacs à sable.

Mais nous sommes sortis vainqueurs de cette terrible épreuve!
Perclus de frustration, nous avons su trouver en nous d'insoupçonnées sources de sérénité qui nous ont permis de tenir, épaulés par de compatissants copains dont les enfants s'étaient bien entendu passés le mot pour être plus adorables les uns que les autres cette semaine là. Acculés aux confins du craquage nerveux, nous en avons appris beaucoup sur nous-même, et souhaitons beaucoup de bonheur à tous les jeunes parents qui nous lisent!

2 commentaires:

Une compatissante a dit…

Très drôle . . . le récit! C'est d'autant plus marrant que ça me rappelle des souvenirs vieux d'un quart de siècle environ. Mais je compatis tout de même car il est vrai que c'est usant. En plus, on a toujours l'impression que les démonstrations d'indépendance du rejeton sont encore plus nombreuses qu'à la maison. Et en réalité, ce n'est pas si sûr mais comme on a tous notre fierté et qu'elle en prend un sacré coup, on se persuade qu'il y a regain de désobéissance, manque de bol, justement quand il y a du public! En fait, Gaelou continue son p'tit bonhomme de chemin et attend que vous craquiez. Mais il ne sait pas à qui il a affaire! Tenez-bon !!!!!!! On vous soutient moralement!

tata zaza a dit…

On ne sait jamais ce qu'il y a dans la tête d'un enfant en dehors de ce que nous y avons mis