jeudi, avril 19, 2007

Magistraux ogres


Formidable.
Incroyable.
Magnifique.

Avant de partir deux semaines dans la jungle, j'aime me rappeler que notre monde occidental ne se limite pas aux agressions sarkoziennes ou au marketing bayrouiste. Dans ces cas là, je m'achète un CD phénoménal, et j'en prend plein les oreilles. Et le coeur.

Les ogres de barback sont donc de retour avec leurs dixième album, peu après avoir fêté leurs dix ans sur scène. Vous savez tout le bien que je pense des ogres, la richesse de leur musique, la variété de leur répertoire, l'originalité du sillon qu'ils creusent, et l'intégrité de leur engagement. Pour faire la fine bouche, je dois dire que, paradoxalement, toute cette richesse musicale rendait leurs albums relativement difficile d'accès (comparativement à leurs prestations sur scène, par exemple): des chansons tellement belles, tellement riches, tellement travaillées qu'elles intimident un peu et emportent moins qu'un refrain simple et bien troussé.
A tel point que pour moi, leurs meilleurs albums étaient leurs lives. Bien que j'adore chacun de leur album, pour être clair. Mais mes chouchous étaient les concerts, plus énergétiques, plus directs.
Ce n'est plus le cas depuis cet album formidable: Du simple au néant.

Je suis dans tous mes états.
La maturité aidant, les ogres ont cette fois-ci sorti un album très différent, moins baroque, plus world et sombre que les autres. La musique ne fait plus d'ombre au morceau, mais le sert du début à la fin. Les ogres ont au passage d'ailleurs encore étendu la gamme de leurs instruments; orgue d'église, harminium et batterie rejoignent la longue cohorte des cuivres, accordéons, guitares et scie musicale. C'est tout aussi riche qu'avant, mais un peu de parcimonie dans les arrangements les rend beaucoup plus puissants.

Les ogres se sont adjoint le producteur de Noir désir, Sonic Youth et Zebda, et ça a l'air de les pousser à être plus directs, et à désinhiber leur talent d'écriture. Les textes, parfois lumineux et chantant l'amour familial, parfois amusants (Marée basse, Con et blasé), parfois tendres (C'est beau, pas bien), sont pour la plupart sombres et dérangeants.
Mais attention, pas le petit sombre du déprimé nihiliste. C'est pas mal ça remarquez, mais pas très très original. Là, je vous parle d'un sombre fort, politique, combattant et philosophique, un sombre qui balance, qui émeut, et qui propose. C'est pas pour rien qu'on croise Mermet ou Magyd Cherfi (de Zebda) sur cet album.

Ma loghorée atteint ses limites. Je multiplie les superlatifs, c'est pas bon, ça va lâsser mon auditoire. Soyons donc scientifique, raisonné et quantifions tout cela. "Comment quantifier l'art?" va-t-on s'égosiller? Mais avec ma fameuse classification "note sur ipod", voyons. Ca c'est de l'objectif, de l'indiscutable!
Trois "4 étoiles" et quatre "5 étoiles"(dont Jérôme, enregistré en cachette dans une église, et Ni dieu ni dieue, qui remet avec une juste colère le clocher sur la place du village) sur les seize chansons de ce putain d'album. Soit trois pépites et quatre joyaux, qu'il est un peu injuste de séparer des neuf autres jolis morceaux (d'autant plus que l'album est assez cohérent)...
Je déconne, mais ce n'est pas anodin. Je crois n'avoir donné que six "5 étoiles" depuis six mois que j'écoute mon ipod dix heures par jour. Que je chronique et rechronique. Que j'ai appris à chipoter, à saquer la moindre imperfection. Juste pour vous expliquer que pour moi, ces quatre morceaux là, ce sont des événements rares qui quittent presque le domaine de la musique. C'est fort, ça m'embarque, ça me concerne et ça me change. Et c'est rare. Normalement.

Et là, pléthore de morceaux forts. Avalanche. Incroyable.
Et encore, deux de ces bijous, d'entre eux Brebis galeuses et Il ne restera rien auraient mérité le 6 étoiles sur 5, tant ils m'ont remué. Le premier d'entre eux raconte avec toute la poésie de Madina N'Diaye une rafle dans un petit village, et m'a ému aux larmes (sans figure de style: j'avais l'air fin au boulot!). Et le second, très très très sombre mais très très très juste, nous rappelle frontalement qu'on est bien peu de choses.

Tout cela est en écoute (onglet Disques). Passez donc quelques minutes sur place, je ne garanti pas que tout le monde sera secoué comme je le suis par cet album, mais même si vous ne vous envolez pas comme moi dans ce post, vous serez forcément conquis.
De quoi garder l'espoir en nos semblables (enfin, à certains d'entre eux) même si on se prend un second tour Sarkozy-Le Pen. Enfin peut-être, j'ai pas tellement envie d'essayer pour être sûr!

3 commentaires:

ZeVinci a dit…

Erratum! Les textes de brebis galeuse sont de Fred (des ogres) himself. Chapeau bas.

ZeVinci a dit…

Dans mon demi-sommeil hier soir, je me suis demandé si je n'en avais pas trop fait sur ce CD.
Quand même.
Je l'ai réécouté ce matin pour en avoir le coeur net.

Il en ressort que je n'en ai pas du tout trop fait.

Anonyme a dit…

Superbe, je confirme.
J'ai pris le temps d'oublier ton post dithyrambique, puis d'écouter Les Ogres.
Très bel album. J'ai apprécié les accompagnements : extrémement variés, discrets mais fins. Ils méritent plusieurs écoutes.
Mes préférés : ni Dieu, ni Dieue (hors catégorie), Brebis galeuse, Il ne reste rien, 50 ans, Vieux2 (sans doute un effet génération pour les 3 derniers). Les autres titres valent le détour.
Les textes, bien que sombres sont superbes.