(J'ai d'ailleurs une tendresse toute particulière pour ce nouveau terme "d'économie réelle". Est-ce à dire que les sommes formidables manipulées par les grands gourous de la finance, dont on nous vante la clairvoyance et l'héroïque intrépidité depuis des années, sont virtuelles? Voire qu'elles confisquent de l'argent "réel" pour des jeux "abstraits"? Bref...)
Il ne reste donc que la seconde possibilité, comme à chaque fois: l'Etat doit sauver les plus grands opérateurs financiers afin de circonscrire la crise. C'est ce qui commence à se mettre en place, avec le spectaculaire sauvetage de l'antipathique banque d'affaire Bear Streams par l'administration Bush, pourfendeuse d'interventionnisme devant l'éternel.
L'Américain vivant dans l'incertitude depuis que les prêts idiots qu'on lui a proposé lui ont pété à la gueule doit être ravi que ses impôts servent à soutenir l'institution qui les a inventé...
Parce qu'ils sont fatigués que cette mascarade se répète sans cesse (la crise passée, les financiers oublient très vite ce qu'ils doivent à l'Etat, et repartent de plus belle dans leur enrichissement inconséquent), un groupe d'économistes européens propose de saisir l'occasion pour changer quelque peu les règles du jeu, ainsi que l'explique Fréderic Lordon dans ce passionnant Là-bas si j'y suis.
Pourquoi en effet ne pas assortir le sauvetage par l'Etat de conditions? L'Argentine a par exemple payé très cher les fonds que le FMI lui a concédé: elle a dû appliquer à la lettre ses nombreuses injonctions, et métamorphoser la structure de sa société comme on le lui ordonnait (avec la réussite que l'on sait, d'ailleurs). Pourquoi à l'inverse devrait-on se contenter de donner les sous nécessaires aux banques au bord de la faillite, sans rien exiger en retour?
Puisqu'il faut commencer par un bout, ces économistes proposent de s'attaquer à un point très précis: abroger l'article 57 de la Constitution Européenne qui inscrit dans le marbre la totale liberté des capitaux. Vous savez, cette Constitution que seuls de mauvais européens à moitié xénophobes n'ont pas voulu avaliser?
Et pour, qu'enfin, cette question majeure apparaisse dans les agendas politiques (en particulier des partis de gauche...), ces économistes cherchent à faire du bruit, et ont lancé une pétition sur le sujet. Qui est relayée en France, en italie, en Espagne, en Allemagne et en Pologne.
N'hésitez pas à y jeter un oeil, voire à jeter une oreille à l'émission de LBSJS qui lui est consacrée. C'est tout à fait édifiant - et très argumenté).
(Note: il est parfois difficile de se connecter au site de la pétition. Il faut essayer encore et encore...)